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La mer s'en va. Elle quitte les côtes, leur
cède l'espace d'une marée l'éphémère
victoire du terrain, offre aux coquillages, qui pourraient ne jamais les
voir, les nuages, le soleil ou les étoiles.
La mer s'en va pour une ronde au large, portée par le clapot du
courant de jusant.
Et depuis toujours, le marin qui l'aime d'un amour si profond qu'il en
vient parfois à la maudire, à la haïr et à l'insulter,
sent les fibres de son appel vibrer au rythme du flot et du jusant. La
mer monte, descend, vient, repart ainsi que fait le sang dans le coeur
pour alimenter le corps. Je pourrais écrire des Nourritures océanes,
assis au café du Port, face à un verre de rhum dont le fond
ferait trace sur la page blanche. Ou partir et écrire le sillage.
Ou ne plus rien dire et laisser mon regard converser avec l'horizon.
J'ai goûté à la mer, et elle avait un fameux goût.
J'ai envie de le partager.
L'initiation à la générosité des immensités
salines est aisée : il suffit d'aimer. Sans jamais oublier que les
grandes amours sont souvent impitoyables et que les poètes de la
rive qui se laissent emporter par le courant de jusant peuvent y laisser
des rimes. Ce courant porte vers le large, et regagner la terre n'est pas
toujours facile.
Il n'est pas sûr non plus que ces imprudents sachent apprendre l'éolien
du large, la langue classique des jumeaux véritables. Et, pourtant,
il faudra effectuer le voyage pour de vrai. C'est celui que j'ai eu le
sentiment d'accomplir au travers de périples multiples, parmi le
large éventail des latitudes que nous offre la géographie.
J'eus plusieurs bateaux, j'en connus d'autres, j'ai navigué seul
ou en petit équipage et je réalisai sans cesse la même
découverte avec le même émerveillement : celle du rêve,
des sensations, du bonheur, de la joie, de la simplicité, du détachement
des fausses préoccupations, de la peur et quelquefois même
de l'angoisse. C'est ma recherche de communication, entre la mer et les
hommes. |