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"Reproduire" et "reproduction"
vont revenir sans cesse dans les textes sur la photographie et sur les
arts graphiques en général. Sans que l'on sache dire au
juste quand il fait son apparition, l'emploi du mot dans ce sens, et à
l'intérieur des textes sur les arts, est assez nouveau. Il est
important d'en saisir les connotations à l'époque. Le terme
est emprunté au langage de la biologie : la reproduction est
la faculté qu'ont certaines espèces vivantes de reconstituer
des membres ou organes amputés (par exemple, les écrevisses,
auxquelles il repousse des pinces), puis, par extension, la possibilité
qu'ont toutes les espèces vivantes de se perpétuer en produisant
de nouveaux spécimens. Le terme conserve encore un sens assez fort
de "produire de nouveau". On ne comprendrait pas autrement la
phrase, sûrement très méditée, de Victor Cousin :
"L'art est la reproduction libre de la beauté." Notons
encore le terme de "découverte", dont se sert Delaroche,
mais aussi Arago et tant d'autres à leur suite, plutôt que
celui d'"invention", comme si la photographie avait toujours
été là dans la nature, attendant qu'on la trouve
enfin. En somme le daguerréotype est présenté par
Delaroche comme une forme merveilleuse et presque miraculeuse du dessin
: c'est la nature elle-même qui se reproduit.
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L'usage étendu du mot "reproduction"
est lié à la révolution industrielle et au besoin
de multiplication efficace des produits face à une démographie
et à une urbanisation galopantes. Léon de Laborde est clair
dans son grand ouvrage sur les rapports entre l'art et l'industrie :
"L'intervention des machines, écrit-il, a été,
dans cette propagande de l'art, une époque et l'équivalent
d'une révolution ; les moyens reproducteurs sont l'auxiliaire démocratique
par excellence." Et un peu plus loin dans le même paragraphe :
"Hier la vapeur, cette éloquente expression de la société
moderne, donnait des bras puissants en aide à tous les produits
de l'industrie imprégnés de l'influence des arts ; aujourd'hui
la photographie, ou l'art mécanique dans une perfection idéale,
initie le monde aux beautés des créations divines et humaines."
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