Sacramentaire de Charles le Chauve
Page de titre avec lettre ornée
École du Palais de Charles le Chauve, vers 869-870
BnF, Manuscrits, Latin 1141 fol. 1
Le manuscrit est copié sur du parchemin,
support qui a remplacé le papyrus au Moyen Âge. Il débute
par une page de titre que marque une grande initiale ornée, ici
la lettre I. La formule latine précise que le sacramentaire a été composé par
le pape saint Grégoire, selon le rite romain dont elle donne l'ordonnancement.
Cette page de titre, appelée incipit d'après le premier mot du titre des formules latines, renferme l'intitulé de l'ouvrage, Incipit liber sacramentorum de circulo anni a sancto Gregorio papa romano editus, et le début de l'Ordo missae, sorte de guide abrégé pour la célébration de l'avant-messe suivant le rit romain. Selon le titre, ce sacramentaire aurait été rédigé ("editus") par le pape Grégoire le Grand (590-604). Cette attribution posthume n'est attestée qu'à la fin du VIIIe siècle et due à l'action de Charlemagne. Soucieux d'unifier ses territoires par des pratiques religieuses communes, le roi des Francs souhaite réformer la liturgie sur le modèle romain et mettre à disposition de son clergé les livres nécessaires au culte. Il demande au pape Hadrien Ier (772-795) de lui envoyer, parmi d'autres livres liturgiques, un sacramentaire strictement romain. Dans la réponse qu'il envoie à Charlemagne entre 784 et 791, le pape indique que l'exemplaire qu'il lui a fait parvenir par l'intermédiaire de l'abbé Jean de Ravenne est un "sacramentaire arrangé (disposito) par Grégoire". Cependant, si ce dernier a joué un rôle certain dans la composition du livre, l'exemplaire envoyé à Charlemagne renferme des additions postérieures à la mort de Grégoire, correspondant aux usages liturgiques en cours à Rome à la fin du VIIIe siècle. Ce sont ainsi les copistes carolingiens qui ont interprété les propos d'Hadrien, en attribuant à Grégoire la pleine paternité de l'ouvrage. La mention "papa romano" et l'indication "qualiter missa romana celebratur" montrent bien qu'en faisant adopter le sacramentaire de type romain dans les églises franques, Charlemagne se réclamait ainsi de modèles prestigieux et prêtait une allégeance spirituelle à la papauté.
Lettre ornée et titre en capitales
Transcrit en lettres capitales alternativement dorées, vertes et rouges, émaillées de nombreuses abréviations, le titre est introduit par une lettre ornée d'entrelacs franco-saxons et pourvue d'une terminaison végétale. Les motifs tressés qui garnissent le corps de la lettre sont également d'inspiration franco-saxonne. D'origine insulaire, ces motifs étaient très répandus dans les scriptoria carolingiens, ces ateliers de copie où circulaient de nombreux manuscrits importés de Grande-Bretagne.
Les cotes de l'ouvrage
En haut de la page ont été reportées les anciennes cotes du manuscrit : le chiffre "1844" correspond à la cote de la bibliothèque de Colbert, qui l'a acheté en 1675 avec les livres faisant partie de la succession d'un académicien et collectionneur parisien, Jean Ballesdens, tandis que "Regius 4210 2.2" est l'ancienne cote de la Bibliothèque du Roi, qui s'est enrichie en 1732 des 8000 volumes ayant appartenu à Colbert. Enfin, le chiffre "1141" correspond au numéro de rangement actuel du volume dans le fonds latin.
Comme le veut l'usage, l'estampille de la Bibliothèque royale a été apposée sur cette première page, lors de l'entrée du manuscrit dans les collections.