Spéculation sur une terre inconnue : l'Australie
Cosmographie universelle : Terre australe
Guillaume Le Testu, Le Havre, 1556.
Manuscrit enluminé sur papier (118 p. dont 57 pl.), 53 x 36 cm
Vincennes, Service historique de la Défense, Bibliothèque, D.1.Z.14, f. 36v
© Service historique de la Défense
Sur les trente-quatre cartes portulans que nous ont laissés les cartographes normands du XVIe siècle, la Cosmographie universelle du pilote havrais Guillaume Le Testu est le plus bel atlas manuscrit peint et enluminé sur papier. Conçu par un pilote ayant navigué au large du Brésil pour le roi de France, l’atlas compte six planisphères en projections savantes et cinquante cartes plates régionales représentant les mondes connus et inconnus. Pour ces dernières, douze d’entre elles, faisant appel à l’imagination de son auteur, illustrent des terres australes luxuriantes et plus vastes que celles, gelées, que nous désignons sous le nom d’Antarctique. Des commentaires sur la géographie, le climat, les mœurs des habitants, les mythes et les moyens de subsistance accompagnent, en vis-à-vis, chaque carte aux tonalités verte et bleue. Ce trésor témoigne autant de la science du cartographe que de l’érudition et du talent artistique d’un auteur qui, devenu pirate, mourut à terre, dans le Sud du Mexique, alors qu’il tentait de ravir aux Espagnols un fabuleux butin.
Les terres australes sont ces terres imaginaires, immenses comme un continent, situées de manière hypothétique dans l’hémisphère sud. Les anciens grecs, tels Aristote puis Ptolémée, initiateurs de la théorie de l’équilibre des masses, nommaient ce continent Antichtone (anti-terre). Guillaume Le Testu, à l’image de tous les navigateurs et cartographes de son époque, croit fermement à l’existence de terres australes inconnues. Mieux, il imagine des territoires peuplés d’êtres humains semblables à ceux bien vivants des Amériques, hormis une nudité limitée au torse et aux jambes et une peau blanche. Dans une végétation luxuriante, des hommes chassent des bêtes sauvages ou fabuleuses. De même, ils vivent dans de vastes maisons de bois entourées d’une palissade. Les historiens nuancent la tendance spéculative de l’auteur d’un atlas dédié à un grand personnage du royaume, Gaspard de Coligny, en suggérant qu’au-delà du plaisir des yeux, Le Testu aurait pu inciter l’amiral à davantage s’intéresser aux terres australes inconnues.