La mer des Indes
Atlas catalan (détail)
Attribué à Abraham Cresques, 1375.
Manuscrit enluminé sur parchemin, 12 demi-feuilles de 64 x 25 cm chacune
BnF, département des Manuscrits, Espagnol 30, tableau III
© Bibliothèque nationale de France
Le commerce des épices est l’un des grands moteurs des voyages de découvertes des Occidentaux. Venant de l'Inde, de Ceylan, des îles de la Sonde et des Moluques, les épices arrivaient en Occident par la mer Rouge, l'Égypte ou la Syrie, au terme d'un transport long et onéreux dont le coût était majoré des bénéfices pris au passage par les états ou les princes qui prélevaient de lourdes taxes. Éviter les intermédiaires levantins puis vénitiens – puisque Venise exerçait un monopole de fait sur le commerce du Levant – et échapper aux menaces turques pesant sur les voies commerciales du Proche-Orient furent les motivations pour la recherche de routes nouvelles vers les "îles aux épices". « Dans la mer des Indes sont 7 548 îles dont nous ne pouvons détailler ici les merveilleuses richesses renfermées en elles, aussi bien d'or et d'argent, que d'épices et de pierres précieuses. ... Mer des îles de l'Inde où sont les épices. Dans cette mer naviguent de nombreux vaisseaux de différents peuples. On y trouve deux espèces d'un poisson qui s'appelle Syrène : l'une est moitié femme et moitié poisson, l'autre, moitié femme et moitié oiseau. » Le peintre a aussi placé dans les mers de l’extrémité du monde, les races monstrueuses traditionnelles de la géographie médiévale, inspirées de Pline et Solin : géants anthropophages au visage noir, de l’île de Trapobane, et des sirènes empruntées à la fois à la tradition grecque et à la tradition médiévale nordique. Au Moyen Âge la sirène est plutôt représentée comme une femme-poisson, pourvue d’une ou deux queues, comme sur cette image. Elle figure souvent sous cette forme parmi le bestiaire des églises romanes, sur le chapiteau des colonnes. Cette représentation souligne le caractère maritime et la féminité attirante et dangereuse de cet être. L’auteur de l’Atlas catalan transpose la légende dans les îles de l’océan Indien, pour en souligner le caractère merveilleux et dangereux à la fois.