Les funérailles à Tangut [Gansu]
Marco Polo (1254-1324), Le Devisement du monde ou Livre des Merveilles
Récit de 1299, copié à Paris vers 1410-1412.
Enluminure par le Maître de la Mazarine et collaborateurs. Manuscrit sur parchemin, 299 feuillets, 42 x 29,8 cm
BnF, département des Manuscrits, Français 2810, fol. 23
© Bibliothèque nationale de France
Les cérémonies funéraires observées par Marco Polo étaient encore pratiquées au début du XXe siècle dans la province du Gansu et ailleurs en Asie. La tradition de brûler des représentations en papier de richesses est encore vivante. Les Chinois ont ainsi l’habitude de brûler de faux billets de banque à la valeur extravagante.
Il parle de la province de Tangut [suite]
Les idolâtres incinèrent leurs défunts. Les parents du défunt construisent sur le chemin qui mène au bûcher une petite maison de bois qu'ils recouvrent d'étoffes d'or et de soie. Au passage du cortège funèbre, les hommes de la maison inondent le corps de vin et de nourriture. Ainsi selon eux, le défunt sera-t-il accueilli dans l'autre monde. Arrivés au bûcher, ils découpent dans le parchemin et le papier, hommes, chevaux, chameaux et des cercles qui ressemblent à nos besants, et ils les font brûler avec le mort. C'est autant d'esclaves, de bêtes et de richesses qu'il aura, disent-ils, dans l'autre monde. La musique précède le cortège. Mais avant de l'incinérer, ils questionnent leurs astrologues pour savoir quel est le jour favorable. Il peut arriver qu'ils gardent le corps bien six mois, jusqu'au jour que les astrologues désignent. Pour cela ils fabriquent un cercueil de bois bien solide d'une paume au moins, délicatement peint. Ils y placent le corps après l'avoir entouré dans des étoffes précieuses, et avoir répandu du camphre et des épices pour éviter la puanteur. Et aussi longtemps qu'ils gardent le mort, ils lui présentent une table pleine de nourriture. Ils prétendent que son âme vient manger et boire, et lui laissent suffisamment de nourriture chaque jour. Parfois même leurs sorciers leur font croire qu'il n'est pas bon de passer le corps du mort par la porte. Alors ils démolissent le mur de la maison, et passent par là pour sortir brûler le défunt. Ainsi font tous les idolâtres de la région. Laissons ce sujet, et parlons d'une autre cité qui se trouve vers la Grande Ourse, à l'extrémité du désert.