La cartographie portugaise synthétise les savoirs antiques, médiévaux et modernes
Atlas Miller : océan Indien, Arabie et Inde
Œuvre de Lopo Homem [Pedro et Jorge Reinel, António de Holanda], [Portugal], 1519.
Manuscrit enluminé sur vélin, 41,5 x 59 cm et 61 x 118 cm
BnF, département des Cartes et Plans, CPL GE D-26179 (RES), f. 3
© Bibliothèque nationale de France
À la suite de Bartolomeu Dias les navigateurs portugais établissent des relevés des côtes de l’Afrique et de l’Inde et recueillent les noms des ports et des mouillages existants, inventant des toponymes pour les espaces vierges. Une cartographie plus précise de l’océan Indien est peu à peu établie aux XVIe et XVIIe siècles, mais elle est encore largement tributaire des savoirs antérieurs pour les parties non explorées. Par exemple, l’océan Indien oriental, à l’est du golfe du Bengale, est encore représenté d’après Ptolémée au milieu du XVIe siècle. La cartographie à grande échelle des « Indes orientales » s’accompagne des premières vues de villes asiatiques, diffusées par des dessins, des aquarelles et des gravures.
Chef-d’œuvre de la cartographie portugaise du début du XVIe siècle, l’Atlas Miller représente le monde connu des Européens juste avant l’expédition de Magellan (1519-1522). L’atlas s’appuie sur une documentation très à jour concernant les dernières conquêtes portugaises en Asie et les découvertes espagnoles en Amérique du Sud : si l’on dénombre les pavillons aux couleurs des puissances européennes, l’influence portugaise semble prédominante. L’océan Indien est dessiné à partir des informations recueillies après les expéditions de Vasco de Gama en Inde (1498) et les actions militaires d’Afonso de Albuquerque, qui établit les fondations de l’empire portugais d’Orient, de la mer Rouge au détroit de Malacca, en Asie du Sud-Est. La carte du Brésil rend compte des explorations entreprises par Pedro Álvares Cabral en 1500. Sur la carte de l’Atlantique, les archipels de la mer des Caraïbes sont déjà très bien situés ; la Floride espagnole (découverte en 1513) et Terre-Neuve, reconnue par Jean Cabot dès 1497, sont représentées sous la forme de tableaux paysagers, peuplés d’ours et de cervidés dans des forêts et des montagnes sauvages.
Conformes à la tradition des cartes portulans pour leur construction, les cartes sont aussi tributaires de la cartographie savante inspirée de Ptolémée. En effet, on y trouve la mention des « climats » (divisions en latitude), notamment sur la carte de l’Atlantique, où les lignes des vents sont absentes. Quant aux cartes de la mer de Chine et de l’Indonésie, pour lesquelles les reconnaissances des navigateurs européens étaient encore insuffisantes, elles reflètent les formes et la toponymie de Ptolémée.
L’iconographie, abondante et très variée, s’appuie tantôt sur le souci du détail réaliste (la faune et la flore, les peuples du Nouveau Monde, les navires, la forme de certaines villes comme Aden), tantôt au contraire sur l’imagination de l’artiste. La planche intitulée Océan Indien décrit une zone sous domination portugaise (pavillon royal) depuis Mogadiscio et la corne de l’Afrique jusqu’à Sumatra (Trapobane) situé aux confins du nouvel empire maritime. L’enlumineur Antonio de Heredia, actif à Lisbonne, place à gauche du delta du Gange deux éléphants d’Asie, et dessine au nord de l’Hindoustan, une nouvelle bête sauvage découverte peu de temps auparavant par des compatriotes en 1513 : le rhinocéros unicorne. À cette date, le rhinocéros d’Afrique est encore inconnu des Européens.
 
 

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