Premières représentations des Amériques
Atlas Miller : Le Brésil
Œuvre de Lopo Homem [Pedro et Jorge Reinel, António de Holanda], [Portugal], 1519.
Manuscrit enluminé sur vélin, 41,5 x 59 cm et 61 x 118 cm
BnF, département des Cartes et Plans, CPL GE D-26179 (RES), f. 5
© Bibliothèque nationale de France
L'immense empire maritime portugais est décrit par une série de cartes portugaises réalisées entre 1515 et 1519. L'ensemble est connu sous le nom d'Atlas Miller, du nom de son dernier propriétaire privé. Un grand nombre de côtes lointaines y sont figurées pour la première fois de façon réaliste : Madagascar, les Moluques, le Brésil. Les armoiries foisonnantes indiquent très clairement, selon les régions du monde, les possessions portugaises ainsi que les colonies espagnoles. Dès le moment où les Portugais commencèrent à fixer en images la route des Indes, la cartographie ne pouvait plus être neutre. Elle devint indissociable de la politique des États ; elle leur appartint et dut épouser leurs ambitions et leurs revendications. Le temps n'était pas encore venu où l'on établirait les relevés incontestables d'un espace accessible à tous. Le progrès des connaissances restait un luxe pour humanistes. Les cartographes des « découvertes » appartenaient moins au monde des savants qu'à celui des marchands, qui les maintenaient en liberté surveillée. À partir d'esquisses dont le tracé se précisait à chaque retour d'expédition, ils devaient ouvrir la voie à d'autres voyages, mais aussi imposer des prétentions sur de nouveaux territoires, éventuellement en trichant sur leur localisation.
L'atlas contient six planches enluminées sur vélin. Il aurait été achevé sous la direction de Lopo Homen peu de temps avant le départ de Magellan pour son voyage autour du monde, en août 1519. Incomplet de par l'absence des cartes de l’Afrique, l’atlas couvrait néanmoins la totalité du monde connu, depuis l’embouchure du rio de La Plata, au Brésil, jusqu’aux limites de l’océan Indien, atteint en contournant l’Afrique par les explorateurs portugais Abreu, Albuquerque et Magellan entre 1512 et 1515. Il contient la plus ancienne carte représentant la côte orientale de Sumatra, Taprobana insula, les îles de la Sonde et les îles à épices de l’archipel des Moluques, Maluc insule, territoires extrêmement convoités en raison de leur profusion en poivre, clous de girofle, noix muscade, or et argent. À gauche de la feuille communément appelée « Insulinde Moluques », une légende précise qu’« avant et après Taprobana, il y a une multitude d’îles au nombre de 1378 ». Au-delà, vers l’est, c’est encore l’inconnu pour les Européens. Cependant, par souci d’afficher la domination des Portugais, l’auteur multiplie les emblèmes et les bateaux aux armes de son pays d’origine, dessinant même une ultime façade terrestre inexistante, afin de réduire l’océan Indien à l’état de mer intérieure lusitanienne. Toujours dans l’océan Indien, l’atlas innove par la qualité de la plus ancienne carte nautique de Madagascar (l’île de Saint-Laurent), dont les contours sont devenus familiers aux Portugais depuis l’hiver 1506-1507 et les navigations effectuées par Da Cunha et Albuquerque. Des travaux récents attribuent la riche enluminure à l’artiste portugais Antonio de Heredia.