Le dernier océan exploré par les Européens : le Pacifique
Carte de l’océan Pacifique
Hessel Gerritsz, [Amsterdam], 1622.
Manuscrit enluminé sur parchemin, 107 x 141 cm
BnF, département des Cartes et Plans, CPL GE SH ARCH-30 (RES)
© Bibliothèque nationale de France
Cette carte manuscrite, établie en 1622 par le cartographe de la compagnie hollandaise des Indes orientales, Hessel Gerritszoon, couvre toute l’étendue maritime de l’océan Pacifique comprise entre les côtes américaines, du cap Horn à la Californie, et celles du Japon, de la Corée, de la Tartarie (Russie), de la Chine, des îles de Taïwan (Formosa), des Philippines, de Bornéo, des Célèbes et des Moluques, mais aussi les côtes septentrionales de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les îles Salomon. Très nettement, à gauche de ces dernières, l’auteur a placé, pour la première fois sur une carte portulan, une minuscule partie des rives australiennes de cette « Nueva Guinea » découverte par Janszonn en 1606, dont on ne soupçonnait pas encore l’ampleur. En 1606, à bord du Duyfken, Willem Janszoon avait quitté Bantan (Java) pour rejoindre les mines d’or de la Nouvelle-Guinée mais, perdant sa direction, il découvrit, en les longeant, les côtes orientales du golfe de Carpentarie et de la péninsule du cap York, situées dans le Nord de l’Australie. Trois figures tutélaires du Pacifique, Balboa, Magellan et Lemaire, dominent de leur buste le théâtre océanique traversé par des navires portant pavillon hollandais et des bateaux polynésiens.
Cette carte historique, à valeur mémorielle, qui célèbre l’épopée des grands navigateurs du Pacifique, aurait appartenu à l’un d’entre eux, Jacob Le Maire, mort en mer après avoir ouvert le passage du cap Horn en 1616. Elle présente, en un programme iconographique d’une grande originalité, les conditions de navigation dans le Pacifique : même si les Hollandais en paraissent pratiquement les maîtres, la VOC doit prendre en compte, pour le choix des routes et le développement de son activité, les conditions météorologiques avec les risques qu’elles entraînent : vents forts mais réguliers au nord, calmes qui immobilisent les bateaux dans la zone torride et tempêtes du Pacifique sud, où les navires, sous voiles réduites, sont secoués par une mer hostile, comme on le voit dans les récits des voyages antérieurs. La carte a été corrigée ultérieurement, sans doute par le successeur de Gerritszoon : la date a été changée (1634) et un cartouche avec un petit planisphère à latitudes croissantes a été ajouté, faisant état de conceptions cartographiques plus récentes, comme le caractère insulaire de la Californie.