Le partage du monde entre Espagnols et Portugais
Planisphère
Domingos Teixeira, 1573.
Manuscrit enluminé sur parchemin, 49 x 100 cm
BnF, département des Cartes et Plans, CPL GE SH ARCH-3
© Bibliothèque nationale de France
C’est d’abord la recherche d’une nouvelle route vers les trésors de l’Orient, contournant le trafic caravanier d’Arabie et d’Égypte, qui pousse les Portugais à naviguer le long des côtes africaines, toujours plus au sud, jusqu’au franchissement du Cap de Bonne-Espérance en 1488. C’est encore la recherche d’une nouvelle route vers cet Orient mythique qui incite en 1492 le génois Christophe Colomb à ouvrir une nouvelle voie maritime. C’est ensuite la volonté de garantir leurs conquêtes qui conduit les puissances ibériques à demander l’arbitrage du pape. Par le traité de Tordesillas (1494), le souverain pontife attribue à chacune (Portugal et Espagne) le contrôle sur une moitié du monde.
Sur son grand Planisphère nautique, le Portugais Domingos Teixeira indique les deux lignes imaginaires que sont le méridien et l’antiméridien du traité de Tordesillas (1493), qui délimitent les deux empires maritimes ibériques afin que chacun puisse en exploiter les nouvelles richesses (épices, or et argent, esclaves, bois, etc.). Le méridien de démarcation, placé en théorie à 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert, apparaît ici au centre de la carte. En 1529, huit ans après l’arrivée de Magellan à Cebu, dans l’archipel des Moluques, Charles Quint céda, par le traité de Saragosse, les îles aux Épices – les Moluques – au Portugal contre 350 000 ducats. Un antiméridien de démarcation traversant du nord au sud l’archipel des îles aux Épices trace la frontière entre les deux empires. L’auteur, pour lever toute ambiguïté sur une zone maritime peu fréquentée, a dessiné deux fois l’archipel, à gauche et à droite du planisphère. L’Afrique, les régions qui bordent l’océan Indien, l’Amérique du Nord et la côte du Brésil sont aux Portugais ; l’immense majorité du territoire américain, aux Espagnols. Si la mer est sillonnée de navires portugais, les contours des continents arborent les emblèmes des nations conquérantes : sont espagnoles toutes les terres comprises entre le 47e et le 127e degré de longitude ouest ; sont portugaises toutes les terres comprises en deçà des deux coordonnées. Mais, comme le calcul des longitudes en mer s’avérait encore aléatoire, l’archipel n’était pas dans le domaine espagnol. Pourtant, en arrivant par l’ouest dans l’archipel des Moluques, Magellan, capitaine aux ordres de l’Espagne, avait bel et bien pénétré sans le savoir dans le domaine portugais, si bien que Charles Quint, huit ans plus tard, avait vendu aux Portugais un territoire dont il n’avait jamais été propriétaire.
Très richement décorée, cette carte figure les côtes cernées de vert et les îles en teintes plates et or. Le Nil, le Congo, l'Amazone et le Parana, communiquant par un lac intérieur, sont représentés schématique en bleu. "Jerusalem" et le Golgotha, "Castelo Damina" (La Mina) et Loanda à l'embouchure du "Congo" sont figurés en vue cavalière. La carte comporte, outre des paysages et des représentations d'habitat, quarante-huit écussons en majorité portugais et espagnols et huit caravelles portant la Croix de l'Ordre du Christ qui jalonnent les routes de la navigation portugaise vers les Indes orientales et l'Amérique.
 
 

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