L'iconographie des nouveaux mondes : l'Asie
Atlas catalan
Attribué à Abraham Cresques, 1375.
Manuscrit enluminé sur parchemin, 12 demi-feuilles de 64 x 25 cm chacune
BnF, département des Manuscrits, Espagnol 30, tableaux III et IV
© Bibliothèque nationale de France
Aux conventions cartographiques élaborées dès le XIIIe siècle se sont ajoutées progressivement des évocations pittoresques, dues à des artistes, peintres ou enlumineurs, de la faune, de la flore, des peuples, des modes d’habitation et de navigation des mondes nouveaux. Les cartes portulans invitent à la découverte d’un ailleurs et d’une altérité.
Le document connu sous le nom d’Atlas catalan est un recueil de six cartes et schémas commentés, dessinés sur parchemin et collés recto verso sur des ais de bois plus hauts que larges (64 x 25 cm). Les feuilles de vélin qui reliaient l’ouvrage se sont rompues avec le temps. Les deux premières planches portent une traduction en catalan de l’Imago mundi d’Honorius Augustodunensis, description du monde très répandue au Moyen Âge, et un grand calendrier circulaire ainsi que des signes astrologiques. Les planches suivantes, mises bout à bout, composent une représentation du monde en quatre cartes, deux pour l’Orient, de la Chine au golfe Persique, et deux pour l’Occident méditerranéen, de la mer Noire à l’Angleterre. Le sens de lecture, d’est en ouest, est le même que celui des grandes mappemondes circulaires du XIIIe siècle, comme la mappemonde d’Ebstorf, orientée l’est en haut. Le contenu de la carte, notamment pour la toponymie de la partie asiatique, provient de textes antiques mais aussi du récit de Marco Polo et de sources arabes. La structure des cartes, sillonnées de lignes des vents même pour les parties continentales, et la toponymie de la Méditerranée, de l’Europe et de l’Afrique correspondent aux cartes portulans catalanes de l’époque.
Pour la première fois dans la cartographie occidentale, l’Inde a une forme triangulaire, mais on ne voit pas la pointe sud. Les noms des ports de l’Inde occidentale s’inspirent de la cartographie arabe de l’époque. En-dessous du souverain de Delhi (« Lo Rey Delli »), on reconnaît le golfe de Cambay et le Gudjerat d’où venaient les marchands indiens, avec ses principales villes portuaires : Goga et Barochi (Broach).
L’Atlas catalan est daté de 1375, d’après son calendrier, et nous savons qu’il se trouvait dans la bibliothèque de Charles V grâce à l’inventaire qui en a été fait en 1380. Par ailleurs, une lettre de l’infant d’Aragon du 5 novembre 1381 demande l’envoi d’une mappemonde de ce genre au nouveau roi de France, Charles VI, en invitant à consulter son auteur, Cresques le juif, de Majorque, pour en avoir l’explication.