Quelques jugements sur les Lettres persanes

 

Marivaux
« Je ne vois qu’un homme d’esprit qui badine, mais qui ne songe pas assez qu’en se jouant il engage quelquefois un peu trop la gravité respectable de ces matières [Marivaux parle ici de la religion] »
(Le Spectateur français, 8 septembre 1722)

Diderot
« Quel livre contraire aux bonnes mœurs, à la religion, aux idées reçues de philosophie et d’administration, en un mot à tous les préjugés vulgaires et par conséquent plus dangereux que les Lettres persanes ? Que nous reste-t-il à faire de pis ? Cependant il y a cent éditions des Lettres persanes, et il n’y a pas un écolier des Quatre-Nations qui n’en trouve un exemplaire sur le quai pour ses douze sols »
(Lettre sur le commerce de la librairie, 1763)

Abel Villemain 
« C’est le plus profond des livres frivoles, ce livre si bien écrit, si vif, si moqueur, si fait pour amuser le public, après l’ennui des dernières années de Louis XIV, et pour le faire réfléchir, après l’orgie de la Régence »
(Cours de littérature française, XVIIIe siècle, 1847)

Gustave Lanson 
« Montesquieu est tout juste apte à railler la curiosité frivole des badauds parisiens, la brillante banalité des conversations mondaines, à noter que les femmes sont coquette, et les diverses formes de fatuité qui se rencontrent dans le monde. Il n’y a pas ombre de pénétration psychologique dans les Lettres Persanes »
(Histoire de la littérature française, 1903)

Fortunat  Strowski 
« C’est un récit, c’est un roman. Pardon ! c’est plus qu’un roman. Si l’on compare ces amusantes Lettres avec l’Esprit des Lois, leur vraie valeur apparaît sans incertitude. Non seulement elles soulèvent, chemin faisant, les divers problèmes que l’Esprit des lois va analyser, mais encore elles traitent un même problème essentiel ».
(Montesquieu, 1912)

Georges Ascoli 
« Il y a dans les Lettres Persanes un roman. Nous ne nous y intéressons plus guère : il affadit la verte âpreté de tant de pages »
(Histoire de la littérature française, 1923)

Paul Valéry 
« Entre un Orient de fantaisie et un  Paris réduit à ses facettes, instituer un commerce de lettres par quoi le sérail, les salons, les intrigues des sultanes et les caprices des danseuses, les Guèbres, le Pape, les muftis, les propos de café, les rêves du harem, les constitutions imaginaires, les observations politiques s’entrecroisent, c’était donner le spectacle d’un esprit dans sa pleine vivacité, quand il n’a pas d’autre loi que d’étinceler »
(Variété 2, 1930)

Roger Laufer 
« Parce que la confrontation de l'Orient et de l'Occident est vécue par le héros qui sort déchiré de son aventure, les Lettres persanes ne sont pas un traité, mais un magnifique roman. Dans ce roman plus que dans les pièces sanglantes de Crébillon le père ou du jeune Voltaire, se reflète la tragédie de l'époque. Les Lettres sont la première expression littéraire de la contradiction qui a tourmenté tous les philosophes du XVIIIe, la contradiction entre la sensibilité et la raison, entre la tradition et le progrès »
(Revue d’Histoire Littéraire de la France, avril-juin 1961)

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