A tout considérer, Gaston Phébus tient le cerf pour la
plus noble chasse à laquelle on se puisse livrer.
"Quand ils sont en rut, c'est-à-dire en leur amour, dans une forêt où il y a
trop peu de biches et quantité de cerfs, ils se tuent, se blessent et se combattent, car
chacun veut être le maître des biches, et volontiers le plus grand cerf et le plus fort
tient le rut et en est maître
Après, quand ils sont retraits des biches, ils se
mettent en harde et en compagnie avec le harpail et demeurent dans les landes et les
bruyères plus souvent qu'au bois, pour avoir la chaleur du soleil. Ils sont pauvres et
maigres à cause de la fatigue qu'ils ont eue avec les biches, à cause aussi de l'hiver
et du peu d'aliments qu'ils trouvent. Après, ils laissent le harpail et se réunissent à
deux, trois ou quatre cerfs jusqu'au mois de mars où ils ont accoutumé de mettre bas
leurs têtes ; les vieux cerfs le font plus tôt, d'autres plus tard, selon qu'ils sont
jeunes ou ont eu mauvais hiver, ou ont été chassés, ou sont malades : alors ils muent
leurs têtes et se réparent plus tard. Et quand ils ont mis bas leurs têtes, ils se
gîtent dans les buissons au plus profond qu'ils peuvent, pour refaire leurs têtes et
leur graisse, en un pays fertile en blé, pommes, vignes, regains, bois, pois, fèves et
autres fruits et herbes dont ils vivent. Et parfois un grand cerf a bien un autre
compagnon avec lui que l'on appelle son écuyer, quand il lui appartient et fait ses
volontés. Et si on ne leur cause pas d'ennui, ils demeurent là toute la saison jusqu'à
la fin d'août. Et alors ils commencent à muser, à penser et à s'échauffer, à errer
et s'écarter du lieu où ils auront demeuré toute la saison, pour aller quérir les
biches.