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L'émergence
de la représentation du visage dans l'art préhistorique
L'un des axes de réflexion de Georges Bataille, dans
son approche de l'art préhistorique, porte sur l’absence
presque totale de représentation du visage humain
et sur la signification possible de cet effacement : "Les
traces, qu’après leurs millénaires nombreux
ces hommes nous ont laissées de leur humanité,
se bornent - il s’en faut de bien peu - à des
représentations d’animaux. […] L’homme
de l’Age du Renne […] disposait jusqu’à
la virtuosité des ressources du dessin, mais il dédaignait
son propre visage : s’il avouait la forme humaine,
il la cachait dans le même instant ; il se donnait
à ce moment la tête de l’animal. Comme
s’il avait honte de son visage et que voulant le désigner,
il dût en même temps se donner le masque d’un
autre."
La représentation de la face humaine n’est pas
totalement absente des vestiges de l’art préhistorique.
La grotte d’Altamira (Espagne) laisse apparaître
un relief transformé en visage ou en masque. Deux
yeux surmontés d’une arcade sourcilière,
et une bouche : la face réduite aux signes utiles
à sa reconnaissance, un pictogramme. L’absence
de représentation picturale de l’humain ne signifie
pas pour autant l’absence d’une conscience du
visage. Ici le besoin de représentation est autre
: la capacité de manifester ordre et sens s'exerce
sur le monde.
La découverte, sur le site de Jéricho, de crânes
surmodelés vers 8 000 av. J.-C. témoigne
d'une évolution dans la perception de soi-même.
"L’intérieur du crâne était
rempli, solidement bourré d’argile, les orbites
également remplies d’une argile qui servait
de support pour des coquillages figurant les yeux […].
Les traits du visage, le nez, la bouche, les oreilles, les
sourcils, ont été modelés avec une finesse
extraordinaire […]. Chaque tête possède
un caractère individuel fortement marqué, bien
que la méthode de modelage soit la même pour
tous." Etaient-ce des portraits ? Si la ressemblance
pose question, la différenciation, la personnalisation
des traits montrent à l’évidence qu’il
s’agit bien de portraits. Leur destination n’est
pas clairement établie. Une démarche lucidement
artistique est contestable, en l’absence de tout contexte
figuratif permettant de les apparenter à un style.
Il n'en demeure pas moins qu’il s’agit de visages,
et de visages pourvus de traits distinctifs. Ces sculptures
modelées autour de restes humains tiennent à
la fois de la relique et du portrait. Le modèle, le
mort autrefois porteur de ce visage, est présent à
l’intérieur de son effigie.
Les possibilités de représentation de l’humain
se situent d'emblée dans cette oscillation entre le
signe et son contact au référent, la recherche
de la ressemblance et l'élaboration d'un vocabulaire
pictural. Les retournements à venir sont présents
dans le passage d’une absence de représentation
à une présence représentée.
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La
question de la ressemblance
À défaut d'histoire, il fallait un mythe. Le
récit légendaire que donne Pline l'Ancien de
l'origine de la peinture est une fable poétique sur
l'invention du portrait : le soir avant d'aller rejoindre
son régiment, un jeune soldat rend une dernière
fois visite à sa fiancée. La lampe projette
l'ombre du jeune homme sur le mur et la jeune fille trace
cette silhouette sur la paroi pour conserver l'image de celui
qui demain sera loin d'elle. Cette origine légendaire
du portrait, trait dessiné autour d’une ombre
portée, témoigne du souci d’établir
et fixer immédiatement dans le réel l’apparence
d’un être, de restituer une ressemblance aussi
exacte que possible. C’est la thèse de la circumductio
umbrae, dont la fortune dans la littérature va
de Pline à Charles Perrault.
La question de la ressemblance ne cesse de nourrir la réflexion
philosophique chez les Grecs.
Ce concept de mimèsis préoccupe Platon
et Aristote. Les acceptions du mot grec font apparaître
au moins trois notions dont la dernière intéresse
les arts plastiques : reproduction de l’image ou de
l’effigie d’une personne ou d’une chose
sous une forme matérielle. Reproduction ne signifie
pas forcément similitude pour laquelle il existe un
autre mot grec homoiotès, traduit chez Cicéron,
Pétrone, Vitruve ou Pline, par similitudo.
C’est ce terme qui convient pour signifier l’idéal
de ressemblance que propose l’anecdote célèbre
du concours entre les deux peintres grecs Zeuxis et Parrhasios,
rapportée par Pline l'Ancien (Histoire naturelle)
: le premier se vante d'avoir peint des raisins si parfaits
que les oiseaux ont essayé de les picorer. Parrhasios,
profitant de l'absence de son compagnon, ajoute un rideau
peint par-dessus sa composition. À son retour, Zeuxis,
abusé par l'illusion, tente d'ouvrir le rideau et reconnaît
la supériorité de son adversaire.
Le rapprochement établi par Aristote entre poièsis
et mimèsis, construction et ressemblance,
énonce l’idée d’imitation d’un
modèle existant, et insiste sur la nécessaire
refonte de ce matériau par le travail de l’artiste.
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Dialectique
entre similitude et idéalisation
Pour Hegel, reproduction n'est pas simple imitation : "Même
le peintre de portraits, qui est celui qui s’intéresse
le moins à l’idéal dans l’art,
doit flatter, au sens que nous donnons à ce mot, c'est-à-dire
qu’il doit laisser de côté toutes les
particularités extérieures de la figure et
de l’expression, de la forme, de la couleur, des traits
du visage, tout le côté naturel de l’existence
bornée, poils, pores, cicatrices, taches de la peau,
etc. pour ne reproduire que le caractère général
du sujet et ses propriétés spirituelles permanentes.
Reproduire une physionomie par la seule imitation, telle
qu’elle se présente au repos, tout en surface
et extériorité, et reproduire les vrais traits,
ceux par lesquels s’exprime l’âme même
du sujet sont deux procédés totalement différents."
Cette reproduction des vrais traits n’est pas la garantie
d’une ressemblance. Winckelmann s'élevait contre
les travaux de portraitistes qui, ne parvenant pas au beau,
le recherchaient dans les verrues et les rides, confondant
ainsi la vérité et la caricature. La position
plus radicale de Hegel, considérant la nécessité
d’une "purification" qui "crée
l’idéal", aboutit à l’élaboration
d’un modèle dépourvu de référent,
une sorte de "type", de Modèle : "L’art
laisse de côté tout ce qui dans le phénomène
ne correspond pas au concept". Approfondissant l'esthétique
du portrait, Hegel ajoute que "le peintre doit posséder
un sens de la physiognomonie affiné pour traduire
la particularité d’un individu".
Ce qui est récusé dans la Phénoménologie
de l’esprit est réhabilité dans
l’Esthétique, contradiction liée
au statut de l’art lui-même, investi d’un
rôle d’intermédiaire entre finitude de
la nature et liberté de la pensée.
La théorie et la pratique du portrait occidental se
sont développées dans cette dialectique entre
similitude et idéalisation. Cette tension féconde
rendait possibles évolutions et révolutions.
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Le
réalisme hérité des Grecs
Le dilemme entre similitude et idéalisation gouverne
aussi bien la réflexion sur l’art que la pratique
elle-même. L’Antiquité offre l'exemple
de voies le transcendant. L’évolution du réalisme
hérité des Grecs en est un exemple.
Ainsi les portraits peints, recouvrant les visages des momies
découvertes au Fayoum, peuvent à cet égard
nourrir la réflexion. L'influence grecque se manifeste
par la présence d’inscriptions sur l’image
même. La matière, la posture, le réalisme
des couleurs dû à l’utilisation de la
technique de l’encaustique, tout est mis en œuvre
pour garantir avec le réel une ressemblance à
la conformité devenue invérifiable. Le nombre
de portraits découverts, leur variété
à l’intérieur d’un même style,
laissent penser qu’ils sont bien réalisés
d’après des modèles, vivants ou morts,
et sont ressemblants. Inférer à leur propos
quoi que ce soit des portraits réalistes évoqués
à propos de Zeuxis serait hasardeux mais ils contiennent
en germe une évolution future. Le portrait profane
lèguera son style à l'icône byzantine.
Le rapport à un référent tangible se
transfèrera à un référent invisible.
Les siècles classiques et rationalistes n’auraient
pu choisir cette voie, il ne s’agit plus de choix entre
l’apparence et l’âme, mais entre l’apparence
et la vie intérieure individuelle.
Cette question de la nature et de la pratique du portrait
ne cesse de préoccuper, de Vasari à Roger de
Piles, de Diderot et Baudelaire à nos jours. "La
théorie du portrait est partout", constate Edouard
Pommier. Il cite entre autres exemples la définition
de Furetière : "Représentation faite d’une
personne telle qu’elle est au naturel", et qui
est plus communément "l’ouvrage d’un
peintre". A la sculpture privilégiée par
Platon, est préféré l’art illusionniste
de la peinture et toutes les interprétations, déformations
et anamorphoses qu’il permet. Une définition
de dictionnaire émane d’une doxa bien établie.
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Imitation
ou reproduction ?
La valeur mémoriale et la valeur plastique font l'objet
d'évaluations diverses, de réajustements. Si
la question de la ressemblance à un sujet ou à
un idéal du sujet, dans le but de fixer ses vertus,
n’est jamais véritablement remise en cause, la
discussion sur l’aspect qui doit prévaloir s'avère
âpre. Il s’agit de la représentation d’un
sujet distinct, même si son identité s’est
perdue. Un Portrait de jeune homme était sans
nul doute le portrait d’un certain jeune homme. Sa ressemblance
à ce jeune homme n’est plus attestable par la
présence d’un nom, mais il ressemble encore à
ce jeune homme-là : la ressemblance et la valeur plastique
ne sont pas entamées par la chute de son identité
dans l’oubli.
La polémique portant sur la nature de l’imitation
nourrit la réflexion : "la différence entre
imitation et reproduction sera que l’un fera les choses
parfaites comme il les voit, et l’autre les fera parfaites
comme elles doivent être vues."
Cette hiérarchie entre imitation et reproduction énonce
les critères d'un art supérieur, auquel ne saurait
atteindre une forme de portrait établi par contact
direct. L’effigie moulée directement sur le corps
offre toutes les garanties de la reproduction exacte. Portrait
incontestable, son apparition et sa persistance émanent
d’un désir de réalisme, d’un souci
de documenter l’histoire. Pourtant son poids de réel
crée un malaise : l’absence de médiation,
loin d’évoquer et de faire revivre le modèle,
le réifie et le transforme en échantillon anatomique.
Il manque cet entre-deux suscité par le recours à
la reconstruction. |
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L'impasse
d'une reproduction à l’identique du visage humain
L’empreinte touche de trop près à la mort.
Si les effigies de cire, les imago faisaient partie
intégrante de la culture antique, elles étaient
d’abord destinées à des rituels funéraires,
pourvues d’un pouvoir occulte, et d'un statut utilitaire
et provisoire de véhicules de ce pouvoir. La conception
janséniste du portrait mortuaire, impliquant le respect
de l’intégrité et de la vérité
du visage humain, qui attestent la vérité et
la volonté divine, ne vient pas contredire ce statut.
Cette image chargée d'une mission probatoire n’est
destinée qu’à marquer la place de ce qui
a été, tel que cela a été. Elle
a une fonction, et pour cette raison ne se constitue pas en
œuvre.
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Le
portrait, miroir d’une société
La société entraîne l'art du portrait dans
ses progrès, régressions ou vicissitudes ; un
public de plus en plus vaste est saisi du désir de représentation.
Les théoriciens du XVIIIe siècle
ne tarissent pas de sarcasmes envers un art appauvri par la
production en série, envers le spectacle "d’une
société qui […] ne songe qu’à
laisser d’elle une image flatteuse et mensongère
[…]. Même s’il en souffre au début,
le peintre de portraits acceptera, par intérêt
matériel, de flatter un visage minaudier, souvent difforme
ou suranné, presque toujours sans physionomie, de multiplier
les êtres obscurs, sans caractère, sans nom, sans
place et sans mérite, souvent méprisés,
quelquefois même odieux, ou tout au moins indifférents
au public, à leur postérité, à leurs
héritiers même […]."
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L’art du portrait bourgeois, devenu commerce massif,
fait glisser la représentation vers l’ostentation.
Ce n’est plus une évolution mais une déliquescence.
Au sein de cette décadence, le dispositif du "portrait
à la silhouette" renoue avec le mythe des origines
; sa technique repose sur le cerne de l’ombre portée.
La nature indicielle du dispositif garantit la similitude,
sa légèreté permet la production massive.
Au-delà du phénomène de mode, c’est
un outil commode pour satisfaire le délire anthropométrique
qui saisit les contemporains des Lumières. Johann-Kaspar
Lavater, adepte de la physiognomonie, y voit un moyen d’expérimentation
scientifique. "L’image la plus vraie et la plus
fidèle que l’on puisse donner d’un homme
[…]. La physiognomonie n’a pas de preuve plus
sûre et plus irréfutable de sa vérité
objective que les silhouettes." Lavater, dont le réel
propos se révèle être une gestion scientifique
de l’homme et de la société, applique
naïvement les paramètres d’une table de
vérité.
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Figures
du visage
Bien des singularités émergent dans la pratique
du portrait photographique du XIXe
siècle. Des partis très volontaires, comme le
portrait de dos ou le portrait post-mortem ; mais
aussi des pratiques amusantes (photomontages monstrueux, superposition
des prises de vue de la photo spirite), des pratiques expérimentales
(fragmentations), des accidents (captation de l’auteur
dans un miroir, présence de l’ombre portée,
surexposition, flou…). Résultats acceptés
et conservés par les auteurs comme amusements ou curiosités.
Ce qui pouvait se concevoir comme accident, comme anecdote,
a été lucidement investi d’une valeur
plastique par les photographes modernes. Fragmentations et
distorsions d’André Kertèsz, visage stigmatisé
du modèle féminin de Florence Henri, modèle
occulté par un écran de dentelle chez Edward
Steichen, graffiti anthropomorphe de Brassaï, reflet
dans un miroir endommagé de Raoul Ubac… Ces thèmes
présents dès les origines de la photographie
n’ont cessé depuis d’être travaillés,
et retravaillés aussi dans le format mis au point par
Bertillon.
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Aux
limites de la représentation
Dans la photographie moderne et contemporaine, le portrait
magnifiant n’a pas disparu, le portrait social, le
portrait ethnologique vivent puissamment. Parallèlement
à ces pratiques, d'autres photographes construisent
leur recherche sur l'inquiétude de l’être.
Le portrait fatigue le visage, mène la photographie
aux limites de la représentation. Il ne nous apprend
rien en dehors du domaine qui est le sien, celui des formes
dont nous devons entendre le strict discours. Il n’est
ni éthique, ni sociologique. La photographie ne substitue
pas une posture morale à une proposition esthétique,
mais sa valeur indiciaire, jamais probatoire, procure d'utiles
éléments à une réflexion sur
la représentation de l’individu.
S'il s'agit ici de "visages", la notion classique
du portrait ne s'est pas pour autant évaporée.
La perception du visage de l'autre, la projection de visages
fantasmatiques, l'impossible contact avec son propre visage,
ces thèmes fondamentaux de l'art du portrait vivent
dans l'étrange présentation de la photographie.
Le regard des modèles, évanescent ou tendu,
vibre de l'inquiétude et de la tension d'un affrontement
à venir, qui n'advient jamais car ces regards sont
aveugles ou ces visages sont morts. L'affleurement de la
forme anthropomorphe, les merveilles et les monstres optiques,
fruits habituels de l'imagination, sont ici réellement
perçus comme phénomènes par cet œil
des Grées – ces sœurs aveugles des Gorgones, qui
ne possédaient à elles trois qu’un seul
œil, et l’utilisaient à tour de rôle –
qu'est l'objectif photographique. La photographie n'est pas
un outil de sublimation, l'impossible perception de leur
propre visage mène les photographes aux limites de
la représentation. Mais la fragmentation, la disparition,
la destruction constituent une réalité représentable,
photographiable.
Les visages se font écho, selon l'arbitraire du cadrage
le plus serré, de la disparition du décor et
de l'anecdote. À la manière de Bertillon.
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Le
champ de l'esthétique
Entre trouble et netteté, ombre et lumière, se
déploie toute la gamme des inquiétudes de la représentation,
tout le vocabulaire de la photographie. À l’extrême
limite du visible, c’est le portrait de la photographie
que Caroline Feyt réalise dans ses Portraits de lumière. |
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Le portrait photographique ne peut pas être abordé
selon un modèle spécifiquement psychologique,
sociologique ou éthique.
La photographie se situe dans le champ esthétique,
pour peu qu'un regard esthétique s'y applique. Et
l’affirmer comme appartenant d'abord à ce champ
esthétique n’est pas un diktat abusif, du moins
est-ce la leçon de Marcel Duchamp. L’image est
muette, la photographie ne raconte rien, il suffit d'en trouver
une dans la rue pour le comprendre. Une œuvre se ferme
sur elle-même, n’existe qu’en tant que
présence sur le même mode que les objets de
nature et ne s'adresse à personne : "Pas plus
qu’un poème ne s’adresse au lecteur, aucun
tableau ne s’adresse au spectateur, et aucune symphonie
ne s’adresse à l’auditoire". Comme
le dit Walter Benjamin, une œuvre ne tient aucun discours,
sinon celui qu’elle tient aux autres œuvres, et
qui ne se déploie pas dans le domaine du langage.
Nous voyons dialoguer et se répondre les photographies
du XIXe et du XXe
siècle, par-delà temps et espace. Ce dialogue
des formes, nous pouvons le transmettre, le transcrire, l’interpréter.
Il nous donne accès à la pensée spécifique
d'un artiste particulier, nous présente un monde.
Que les œuvres soient muettes ne signifie pas pour autant
que nous devions, face à elles, garder le silence,
ni que nous ne puissions en parler, mais c'est nous qui parlons.
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La
question de l'altérité
La question strictement posée par l’art du portrait
et de l’autoportrait est celle de l’altérité
qui, fondant la distance, crée à la fois les
conditions de la représentation et de la relation.
"Par la façade, dit Lévinas, la chose qui
garde son secret s’expose enfermée dans son essence
monumentale et dans son mythe où elle luit comme une
splendeur, mais ne se livre pas. Elle subjugue par sa grâce
comme une magie, mais ne se révèle pas. Si le
transcendant tranche sur la sensibilité, s’il
est ouverture par excellence, si sa vision est la vision de
l’ouverture elle-même de l’être –
elle tranche sur la vision des formes et ne peut se dire ni
en termes de contemplation, ni en termes de pratique. Elle
est visage ; sa révélation est parole."
La conception du visage énoncée par Emmanuel
Levinas, ne peut être l’instrument de la réflexion
esthétique, seule adéquate quand il est question
des formes. Elle ne le revendique pas. Elle nous aide efficacement
à dépasser la simple contemplation des formes.
Le visage est une forme et, par le moyen de la photographie
ou de la peinture, devient une valeur plastique, mais il n’est
pas n’importe quelle forme. À partir de ce que nous
montre l’art, il est peut-être possible de se
poser la question de l’individu. Aucun visage sur les
parois de Lascaux, plus de visage dans les photographies de
Caroline Feyt ou de Marianne Grimont. Duns Scot pensait que
Nihilum est peut-être le meilleur nom de Dieu,
c’est sans doute le meilleur nom de l’individu. |
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