Simone de Beauvoir (1908-1986)
Cahier

1928-1929. Manuscrit autographe. 115 f., 21,7 x 17 cm
BNF, Manuscrits, NAF 27413, f. 90 v°

C'est dans des cahiers que Simone de Beauvoir, "Castor, Walkyrie, vierge guerrière" selon Sartre, écrit son journal, le journal de ses amitiés (Zaza), de ses amours (Maheu), de sa préparation de l'oral de l'agrégation. Ces pages débordantes d'amour et d'émotion racontent aussi les premiers rendez-vous après la réussite au concours, le séjour de Sartre en Corrèze, le début de leur expérience de vie commune. "30 juillet 29 Attente des résultats, grande chance d'être entre Sartre et Nizan [...] d'être reçue à 2 points de différence de Sartre et d'aller avec lui chez cette dame "Madame Morel" qui me plaît énormément ainsi que Guille. Je sens que je leur suis sympathique, et surtout je sens Sartre si bien chez lui et je déborde de tendresse pour lui. Je le lui dis d'ailleurs [...] Le banc au bord de la Seine... quelle douceur... Il me parle de plus tard, avec l'air de quelqu'un qui sera toujours là. Me parle de mon mariage comme presque un pis-aller, mais qu'il approuve comme tel [...]. Puis sa réflexion dans la rue sur la façon dont nous nous tenons [...]. Qui est cet homme ? Quelle est cette conduite ? [...] et la tête dans ses mains, la petite fille de souffrir prise entre sa tendresse confiante et ses anciens préjugés. Oh ! douceur de cette voix "Qu'y a-t-il cher Castor ?" [...]. Un peu de paix revient et je l'aime plus que jamais, tandis que nous prenons une omelette au Balzar, d'être si bon pour un castor triste [...].Et nous allons, avec une tendresse sans contrainte le long du boulevard Saint-Germain, des quais jusqu'aux Invalides et jusque chez moi. Il me dit "Vous m'avez plu infiniment ce soir... vous êtes la petite fille la plus tendre, la plus petite, la plus profonde, la plus sincère, la plus simple que je connaisse... Je le quitte avec un si brusque "au revoir" qui l'assomme, troublée encore, mais déjà acceptante."