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Jean-Paul Sartre et Camille
Simone Jollivet (la Camille des Mémoires de Simone
de Beauvoir) se sont rencontrés en 1925 à Thiviers
lors de l'enterrement d'Annie Lannes, une cousine germaine de
l'un et de l'autre. Elle, à vingt-deux ans, ressemble
à la fois à un tableau de la Renaissance italienne
et à l'Autoportrait de Durer ; lui, à vingt
ans, n'est pas à son avantage, coiffé d'un chapeau
trop grand, et surtout la "mine d'un lendemain de bal et d'un
voyage en 3e classe" : un collégien
boutonneux qui se ronge les ongles.
Belle, artiste, très cultivée, fantasque, infidèle,
Camille figure parmi les premières amours de Sartre,
qu'elle vint rejoindre à Paris à plusieurs reprises.
Les seules traces de cette liaison houleuse elle a un
caractère difficile entre Toulouse, Thiviers et
Paris, liaison jalonnée de disputes, de ruptures, mais
aussi de connivences intellectuelles, sont quelques lettres
de Sartre conservées au département des Manuscrits
et les réponses de Camille, rassemblées au département
des Arts du spectacle avec des notes montrant qu'elle fut une
interlocutrice de qualité : elle s'intéresse
à l'hallucination quand il travaille son mémoire,
rêve de contingence, d'aventure, d'art et d'ennui, le
questionne sur l'acte gratuit et le moment parfait il
s'en souviendra dans La Nausée ; elle est
son premier "petit juge".
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Très vite, ils passent
un contrat : il sera le professeur, elle l'élève.
Le ton solennel, qu'accentue le vouvoiement, confirme l'échange :
lectures, musique, conseils et manuscrits, enfin, quand elle
évoque son projet, "Une jeunesse", resté finalement
à l'état de note mais que Sartre approuve avec
enthousiasme. Lui, déjà rompu à l'écriture,
expédie des chapitres d' "Empédocle" et la
première partie d' "Une défaite", un de ses
premiers romans dont elle est l'héroïne et la lectrice
privilégiée.
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La
"femme-théâtre"
Camille ne vécut que pour le théâtre, avec
un homme de théâtre. Dans une de ses premières
lettres, elle avait raconté la fascination que Dullin
avait exercée sur elle dans le Miracle des loups
: "Quelle admirable laideur possède Charles Dullin, avec
l'intelligence qu'il a, il réalise mon idéal [.]
Charles Dullin, la Perfection en tout, pour tout." Et la réponse
de Sartre est péremptoire : "Votre idéal actuel
est d'être aimée par un homme intelligent et laid
dans le genre de Charles Dullin. Si, ce dont je doute, cela
arrive, ce ne sera pas grâce à vous, mais grâce
au hasard qui vous fera rencontrer cet homme-là." (Sartre,
Lettres au Castor, t. I, p. 30). Très vite, en
réalité, elle le rencontra, devint sa compagne
et son assistante. C'est grâce à lui que Gaston
Gallimard accepta de revoir le manuscrit de "Melancholia" et
que Sartre se lança dans l'aventure théâtrale.
À la mort de Dullin, Camille sombra dans la misère,
l'alcoolisme, le mysticisme et la folie : elle vécut
entourée de "Présences", au premier rang desquelles
Dürer et Nietzsche, à qui elle a voué un
culte. "Elle se serait trouvée sans aucune ressource
si Sartre ne l'avait pas aidée ; elle considérait
ce secours comme une espèce de bourse qui lui permettrait
d'accomplir son œuvre" raconte Simone de Beauvoir. Une œuvre
dont il ne reste aucune trace.
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