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"Un jour de l'automne 1943, un livre tomba sur nos tables, tel un météore : L'Être et le Néant de Jean-Paul Sartre. Il y eut un moment de stupeur, puis une longue rumination. L'œuvre était massive, hirsute, débordante d'une force irrésistible, pleine de subtilités exquises, encyclopédique, superbement technique, traversée de bout en bout par une intuition d'une simplicité diamantine. Déjà les clameurs de la racaille antiphilosophique commençaient à s'élever dans la presse. Aucun doute n'était permis : un système nous était donné." (Michel Tournier, Le Vent Paraclet, Gallimard, 1977, p. 153.) Cette "intuition diamantine", cette force irrésistible et débordante est celle d'une liberté absolue, d'un projet dépassant toute nécessité, qui est au cœur même de la réalité humaine : "[...] je suis condamné à être libre. Cela signifie qu'on ne saurait trouver à ma liberté d'autres limites qu'elle-même ou, si l'on préfère, que nous ne sommes pas libres de cesser d'être libres." (L'Être et le Néant, p. 494.) Engagé sans recours ni secours sur les chemins de la liberté, l'homme est à la fois totalement libre et totalement responsable : "... l'homme, étant condamné à être libre, porte le poids du monde entier sur ses épaules : il est responsable du monde et de lui-même en tant que manière d'être." (Ibid., p. 612.) Avec L'Être et le Néant, devenu désormais un classique de la philosophie française, Sartre s'affirmait comme un grand philosophe, celui de la liberté et de l'engagement.
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