Dans ses souvenirs, Simone Berriau raconte comment elle a demandé à Sartre d'écrire une petite pièce pour accompagner Morts sans sépulture, pièce trop courte pour figurer seule à l'affiche ; il lui apporta huit jours plus tard le manuscrit de La Putain respectueuse. "Jean-Paul Sartre a censuré lui-même sa pièce et est retourné coucher chez sa mère", titre France-Dimanche (17 nov. 1946) à propos de la première pièce, Morts sans sépulture. Mais l'article se termine une fois de plus par les échos du mythe entretenu sur le couple Beauvoir-Sartre : "Malgré tout, Sartre a conservé sa chambre de l'hôtel de la Louisiane. C'est là qu'il a écrit La Putain. Il y retrouve Simone de Beauvoir parmi les meubles poussiéreux, des articles inachevés et le mythe du Nescafé, grâce auquel il recrée l'ambiance infernale de Huis clos." Le titre de la pièce, qui fait scandale, provoque une interpellation à la préfecture de police. Sartre reçoit les journalistes un à un le 29 octobre 1946 et raconte comment il s'est inspiré d'un fait divers américain ; il s'agit en effet d'un cas raconté par Vladimir Pomer dans un chapitre des États désunis (Paris, Denoël, 1938).
Sartre dépeint l'aliénation de ceux qui ne trouvent pas dans l'oppression la force de se révolter et sont les victimes consentantes de l'ordre établi, même quand ils découvrent que cet ordre se fonde sur la violence et l'injustice. Grâce à l'interprétation d'Héléna Bossis et de Habib Benglia, l'actualité du sujet s'impose sans emphase. En juillet 1947, Sartre assure la promotion des deux pièces à Londres et donne une conférence de presse. Malgré l'antiaméricanisme dont on accuse Sartre, La Putain respectueuse est présentée à New York en 1949, dans une version édulcorée.
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