Où est "nulle part" ?
Évidemment, les avis divergent sur la localisation de ce monde autre que représente
l'utopie, et sur les espaces qu'il faut franchir pour s'y rendre.
L'île fascine, parce qu'elle est un monde à elle seule, coupée du monde ; mais aussi
l'intérieur de la Terre, où s'enfoncent certains explorateurs ; ou bien la Lune, où la
folie devient raison ; ou encore ces régions australes, confins méridionaux du monde
connu qui, au XVIIIe siècle, font figure d'une nouvelle Atlantide. Des machines
improbables sont nécessaires pour franchir l'espace qui nous sépare de l'utopie, et,
parfois, on y découvre d'autres façons d'aimer. Mais ne s'agit-il que de voyager dans
l'espace, fût-il fictif ? Au XVIIIe siècle apparaît une autre forme de récit utopique,
où l'on voyage dans le temps, où la société idéale se découvre à la faveur d'un
saut dans l'histoire hors du présent. La foi dans le progrès va bientôt s'emparer de ce
motif pour faire de l'utopie la promesse d'une réalité à venir.La Collection des Voyages imaginaires,
songes, visions et romans cabalistiques... éditée par Charles-Georges-Thomas Garnier est
caractéristique de l'engouement du XVIIIe siècle pour le sujet utopique. La série qui
prend à partir du tome X le titre de Voyages imaginaires, romanesques, merveilleux,
allégoriques, amusants, comiques comprend trente-neuf volumes dont les trois derniers
publiés par Cuchet à Paris en 1789 complètent les tomes 10, 11 et 12 consacrés aux
récits de naufrages apocryphes. Telle que décrite par Jean-Marie Goulemot dans
l'Histoire de l'édition française (t. II, p. 238), voici l'intégralité de cette
collection : |