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Qui que tu sois, lecteur, qui vas ouvrir ce livre,
sois le bienvenu !
Ta belle action me touche ; et je suis fort tenté
de te dire, comme Pallæstra à Dæmones, dans
maître M. Accius Plautus : Salve. insperate !
salut, toi que je n'espérais pas !
Cependant je veux être franc avec toi, et t'éviter
le péril où tu cours ; écoute donc ceci : Si tu recherches des vues politiques ou commerciales, si tu espères
trouver le récit d'attaques de brigands ou d'aventures
amoureuses, le soir, au clair de lune, laisse ce livre de côté
et retourne à tes affaires.
Je ne me suis point occupé de politique, par la bonne raison
que je n'y comprends rien. J'ai bien entendu conter par-ci, par-là,
qu'il y avait une question d'Orient, mais je ne saurais dire au
juste si ce sont les Russes qui doivent prendre Constantinople,
ou si ce sont les Turcs qui doivent prendre Saint-Pétersbourg.
Je n'ai rien dit du commerce : cependant je l'estime, parce
qu'il nous apporte les porcelaines de la Chine et les tabacs de
la Havane, mais j'ai peine à me mettre dans la tête
qu'il puisse servir à autre chose.
Quant aux brigands, ils ne m'ont point fait l'honneur de me dévaliser,
et je le regrette, car j'aurais aimé à te raconter
quelque sombre histoire, dont je serais sorti triomphant ; cela
est de belle tournure et fait plaisir aux dames.
Contrairement à la plupart des voyageurs, mes illustres
devanciers, je n'ai point eu, hélas ! de galantes
aventures : ne t'en étonne pas, candide lecteur, je
suis si maigre !
– Pourquoi
donc alors, me diras-tu, avoir fait un livre ?
– D'abord
pour le faire, et puis aussi pour te parler des paysages que j'ai
vus là-bas, pour te promener dans Constantinople, pour
te donner envie d'aller dans le pays du Soleil.
Si le livre est mauvais, excuse-le en faveur de l'intention, et
surtout considère : Comme l'auteur est jeune, et c'est son premier pas !
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