La mode de l'orientalisme
par Cécile Cayol
 
 

Depuis les "turqueries" de la cour de Versailles jusqu'aux Orientales de Hugo en passant par les Lettres persanes de Montesquieu, l'Orient a nourri l'imaginaire de la bourgeoisie européenne et l'inspiration des artistes et écrivains. C'est au début du XIXe siècle que le terme "orientalisme" fait son apparition. L'orientalisme, c'est l'Orient vu de son opposé, l'Occident ; c'est le regard que porte sur les paysages et les êtres l'Occidental imaginant l'Orient. Compromis entre fiction et réalité, il donne lieu à des représentations parfois fantaisistes d'un Orient tout droit sorti des Mille et Une Nuits : Damas et ses palais, Constantinople et ses harems.

 
Suivant pas à pas toutes les tendances du siècle, l'orientalisme s'exprime aussi bien à travers l'art, la littérature, la musique, l'architecture que la photographie. Du romantisme, qui l'a vu naître, au symbolisme, de Delacroix à Benjamin Constant et jusqu'au jeune Matisse, de Lamartine à Barrès en passant par Gautier et Pierre Loti, c'est toute une part de la production artistique française et européenne du XIXe siècle qui subit l'influence orientale : on rêve des bains turcs, de la sensualité des femmes du harem mais aussi de la lumière unique de la Méditerranée et des couleurs du couchant sur les vestiges antiques.

   
       
 
 
  Mais cet Orient "orientalisant", que dépeignent des artistes qui, bien souvent, n'ont jamais quitté leur atelier, ne correspond pas toujours à la réalité des vrais amoureux de l'Orient qui y ont vécu, que ce soit le photographe Gustave Le Gray qui mourra au Caire, après y être resté vingt-deux années, ou l'écrivain Pierre Loti, vrai stambouliote, qui poussera des cris d'alarme face à l'attitude conquérante d'un Occident enivré de sa propre puissance.

La mode de l'orientalisme s'efface à mesure que s'épuise le "mirage oriental" et que le tourisme de masse s'en va conquérir les sites. Avec l'effondrement de l'Empire ottoman en 1914, le mot même d'Orient, éclaté par les enjeux de pouvoir du XXe siècle, cède la place aux concepts géopolitiques naissants comme "Proche-Orient" ou "Moyen-Orient", qui, coupés de toute valeur symbolique, ne s'en réfèrent pas moins toujours à l'ethnocentrisme occidental.