Puis, il avait pénétré plus avant encore dans
le cur de la femme, il venait d'imaginer " les rendus ",
un chef-d'uvre de séduction jésuitique. " Prenez
toujours, madame : vous nous rendrez l'article, s'il cesse de vous plaire.
" Et la femme, qui résistait, trouvait là une dernière
excuse, la possibilité de revenir sur une folie : elle prenait,
la conscience en règle. Maintenant, les rendus et la baisse des
prix entraient dans le fonctionnement classique du nouveau commerce.
(Extrait du chapitre IX)
C'était au rayon des tapis, celle-ci venait enfin de monter
rendre tout un achat de portières d'Orient, fait par elle depuis
cinq jours ! et elle causait, debout devant le vendeur, un grand gaillard,
dont les bras de lutteur remuaient, du matin au soir, des charges à
tuer un buf. Naturellement, il était consterné par
ce " rendu ", qui lui enlevait son tant pour cent. Aussi tâchait-il
d'embarrasser la cliente, flairant quelque aventure louche, sans doute
un bal donné avec les portières, prises au Bonheur, puis
renvoyées, afin d'éviter une location chez un tapissier
: il savait que cela se faisait parfois, dans la bourgeoisie économe.
Madame, devait avoir une raison pour les rendre ; si c'étaient
les dessins ou les couleurs qui n'allaient pas à madame, il lui
montrerait autre chose, il avait un assortiment très complet.
A toutes ces insinuations, Mme Guibal répondait tranquillement,
de son air assuré de femme reine, que les portières ne
lui plaisaient plus, sans daigner ajouter une explication. Elle refusa
d'en voir d'autres, et il dut s'incliner, car les vendeurs avaient ordre
de reprendre les marchandises, même s'ils s'apercevaient qu'on
s'en fût servi.
(Extrait du chapitre IX)
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