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Cependant, comme elle traversait les foulard et la ganterie, son
cœur défaillit de nouveau. Il y avait là, sous la lumière
diffuse, un étalage aux colorations vives et gaies, d'un effet
ravissant. Les comptoirs, rangés symétriquement, semblaient
être des plates-bandes, changeaient le hall en un parterre français,
où souriait la gamme tendre des fleurs. À nu sur le bois,
dans des cartons éventrés, hors des casiers trop pleins,
une moisson de foulards mettait le rouge vif des géraniums, le
blanc laiteux des pétunias, le jaune d'or des chrysanthèmes,
le bleu céleste des verveines ; et, plus haut, sur des tiges de
cuivre, s'enguirlandait une autre floraison, des fichus jetés,
des rubans déroulés, tout un cordon éclatant, qui
se prolongeait, montait autour des colonnes, se multipliait dans les glaces.
Mais ce qui ameutait la foule, c'était, à la ganterie, un
chalet suisse fait uniquement avec des gants : un chef-d'œuvre de
Mignot, qui avait exigé deux jours de travail. D'abord, les gants
noirs établissaient le rez-de-chaussée ; puis, venaient
des gants paille, réséda, sang de bœuf, distribués
dans la décoration, bordant les fenêtres, indiquant les balcons,
remplaçant les tuiles.
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Au Bonheur des dames, chap. IX |
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