– Tiens ! dit Vallagnosc très surpris, vous disiez madame
de Boves souffrante... Mais la voilà debout, là-bas, avec
mademoiselle Blanche.
Le comte ne put retenir un sursaut, en jetant un regard oblique sur madame
Guibal.
– C'est ma foi vrai, dit-il.
Dans le salon, il faisait très chaud. Les clientes, qui s'y étouffaient,
avaient des visages pâles aux yeux luisants. On eût dit que
toutes les séductions des magasins aboutissaient à cette
tentation suprême, que c'était là l'alcôve reculée
de la chute, le coin de perdition où les plus fortes succombaient.
Les mains s'enfonçaient parmi les pièces débordantes,
et elles en gardaient un tremblement d'ivresse.
– Je crois que ces dames vous ruinent, reprit Vallagnosc, amusé
par la rencontre.
M. de Boves eut le geste d'un mari d'autant plus sûr de la raison
de sa femme, qu'il ne lui donne pas un sou. Celle-ci, après avoir
battu tous les rayons avec sa fille, sans rien acheter, venait d'échouer
aux dentelles, dans une rage de désir inassouvi. Brisée
de fatigue, elle se tenait pourtant debout devant un comptoir. Elle fouillait
dans le tas, ses mains devenaient molles, des chaleurs lui montaient aux
épaules. Puis, brusquement, comme sa fille tournait la tête
et que le vendeur s'éloignait, elle voulut glisser sous son manteau
une pièce de point d'Alençon. Mais elle tressaillit, elle
lâcha la pièce, en entendant la voix de Vallagnosc qui disait
gaiement :
– Nous vous surprenons, madame.
Pendant quelques secondes, elle demeura muette, toute blanche. Ensuite,
elle expliqua que, se sentant beaucoup mieux, elle avait désiré
prendre l'air. Et, en remarquant enfin que son mari se trouvait avec madame
Guibal, elle se remit complètement, elle les regarda d'un air si
rogne, que celle-ci crut devoir dire :
– J'étais avec madame Desforges, ces messieurs nous ont rencontrées.
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