La ligne claire
  



L’expression ligne claire est apparue pour la première fois aux Pays-Bas, en 1977, lors de l’exposition Tintin à Rotterdam. Liée indissociablement au " style hergéen ", ce qu’on appelle ligne claire correspond à un graphisme sobre, dont le souci premier est la netteté. Il s’agit, en systématisant le contour des objets, des personnages et des décors d’un trait à l’encre de même épaisseur, d’arriver à la plus grande clarté possible : réalisme des décors, unité esthétique des plans, simplicité des couleurs (dont le rôle est essentiellement identificateur), absence d’ombres et de hachures… Tout comme son héros à la houppette, Hergé aspire à la perfection et à la transparence. Ennemi du clair-obscur comme Tintin l’est des malfaiteurs, le dessinateur exige de sa bande dessinée un maximum de lisibilité, en éliminant tous les éléments graphiques accessoires mais aussi tout ce qui risque de nuire à la continuité du récit. Car la ligne claire, ce n’est pas seulement le dessin mais aussi le scénario, voire l’état d’esprit. On pourrait y déceler le désir d’un monde net et propret, où le moindre élément subversif est tempéré par le cadre.
Pour parvenir à cette ligne " éclairante ", Hergé dessine sans relâche, reprend, rature, et grâce à un système de calques successifs, dégage enfin le trait " le plus souple et le plus expressif " (Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé, Tintin et moi, Paris, Casterman, 1983).
  

  

Ce style qui privilégie l’identité et le mouvement, hérité du maître incontesté d’Hergé, Alain Saint-Ogan, deviendra celui de toute une génération qui compte des auteurs comme Jacobs, Martin ou Leloup et que l’on regroupera sous la dénomination " École de Bruxelles ". On y retrouve la même rigueur dans la construction des planches, le dessin cerné, les bulles rectangulaires, le lettrage neutre, le serti noir. Plus ou moins remis en cause dans les années soixante-dix, le style dit " ligne claire " retrouve ses lettres de noblesse une dizaine d’années plus tard avec des auteurs qui en renouvellent les principes et l’esthétique.