Christoph Willibald von Gluck (1714-1787)

  Les partitions me firent perdre le sommeil, oublier le boire et le manger ;
j'en délirais. Et le jour où, après une anxieuse attente, il me fut enfin permis d'entendre Iphigénie en Tauride, je jurai, en sortant de l'Opéra, que, malgré père, mère, oncles, tantes, grands-parents et amis, je serai musicien.

Mémoires, chap. V
  

Lorsqu'il arrive à Paris pour suivre des études de médecine, Berlioz découvre les partitions de Gluck à la bibliothèque du Conservatoire qu'il recopie pour s'en imprégner. En cette année 1821, Berlioz vit avec passion la musique de son maître. Aux concerts, il suit partitions en main Iphigénie en Aulide (1774) et Iphigénie en Tauride (1779). Gluck est la révélation première, celle qui confirme la vocation de Berlioz pour la musique. Ainsi, d'Orphée, Berlioz exalte "les harmonies vaporeuses, ces mélodies mélancoliques comme le bonheur, cette instrumentation douce et faible donnant si bien l'idée de la paix infinie ! Tout cela caresse et fascine. On se prend à détester les sensations grossières de la vie, à désirer de mourir pour entendre éternellement ce divin murmure." (À travers chants)

Gluck avait refusé le modèle italien, alors très en vogue, et avait trouvé une nouvelle inspiration dans la tragédie grecque : la musique s'accordait mieux, selon lui, avec la situation dramatique et le chœur participait davantage à l'action. Gluck défendait aussi l'idée d'une ouverture, qui "[préviendrait] les spectateurs sur le caractère de l'action [...] et leur [indiquerait] le sujet" (épître dédicatoire d'Alceste à l'archiduc Léopold). Refusant les vocalises, il tenta également d'imposer une certaine discipline aux chanteurs. Enfin, soucieux de simplicité et d'unité, il réduisit l'action de cinq à trois actes et diminua la part du ballet, désormais incorporée au drame.
Berlioz s'indignera, à maintes reprises, de la disparition des œuvres de Gluck au programme des théâtres français. Et, citant Shakespeare ("la gloire est comme un cercle dans l'onde, qui va toujours s'élargissant, jusqu'à ce qu'à force il disparaisse tout à fait"), il conservera toujours une réelle admiration pour le compositeur.


> Alceste de Glück