Laquelle des deux puissances peut élever l'homme aux plus sublimes hauteurs, l'amour ou la musique ? [...] L'amour ne peut pas donner une idée de la musique, la musique peut en donner une de l'amour. Pourquoi séparer l'un de l'autre ? Ce sont les deux ailes de l'âme. | |
Mémoires, Postface
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Les amours de Berlioz ont été un tel souffle pour son inspiration qu'ils
font partie intégrante de son uvre. Même si l'on doit
se méfier de son exaltation et souvent de l'exagération
qui enflamme ses Mémoires, il faut bien reconnaître
que la vie sentimentale du compositeur est complexe, rarement heureuse.
Manque-t-il de discernement dans le choix de ses compagnes ? Cet
homme qui mène un combat acharné pour la musique, qui déploie
une activité intense pour être reconnu, se révèle
d'une faiblesse étonnante dans ses relations avec les femmes. Il
semble bien, à l'instar des poètes romantiques de son temps,
se complaire dans les passions malheureuses. |
Estelle, premier chagrin d'amour
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Je passais des nuits entières à me désoler. Je me cachais le jour dans les champs de maïs, dans les réduits secrets du verger de mon grand-père, comme un oiseau blessé, muet et souffrant. | |
Mémoires, chap. III |
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À douze ans, Hector tombe éperdument amoureux d'Estelle,
âgée de dix-sept ans, voisine de ses grands-parents. ll a
lu et relu la pastorale de Florian, Estelle et Némorin ;
la transposition est vite faite. Ses amours seront toujours empreints
de références littéraires. Il partage la douleur
de Didon privée d'Énée et pleure lorsque son père
lui fait lire les vers de Virgile : |
Harriet, le coup de foudre
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L'effet de son prodigieux talent, ou plutôt de son génie dramatique, sur mon imagination et sur mon cœur, n'est comparable qu'au bouleversement que me fit subir le poète dont elle était la digne interprète. | |
Mémoires, chap. XVIII, à propos d'Harriet Smithson, interprète de Shakespeare. |
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En septembre 1827, Berlioz assiste à une représentation
d'Hamlet donnée à l'Odéon en langue originale
par une troupe d'acteurs anglais. Berlioz est foudroyé à
la fois par Shakespeare et Ophélie, interprétée par
une ravissante Irlandaise, Harriet Smithson. Il rêve d' "une
immense composition instrumentale d'un genre nouveau ", dont
le sujet serait inspiré de sa passion shakespearienne : ce
sera la Symphonie fantastique. Cette passion est cependant éclipsée
par une nouvelle rencontre, la pianiste Camille Moke,
qui lui met "au corps toutes les flammes et tous les diables
de l'enfer". et colporte par la même occasion quelques
ragots sur le compte d'Harriet. Ce n'est qu'en décembre 1832, après
la mémorable représentation de la Fantastique suivie
du Retour à la vie, que Berlioz est enfin présenté
à son Ophélie : "À partir de ce jour,
je n'eus plus un instant de repos ; à des craintes affreuses
succédaient des espoirs délirants." (Mémoires,
ibid.). |
Camille, le mariage avorté
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Je viens d'achever une grande composition pour chœur, deux pianos à quatre mains, harmonica et grand orchestre, sur le sujet de la Tempête, drame célèbre de Shakespeare. C'est encore mon bon ange, mon bel Ariel qui m'a inspiré sans s'en douter cette idée. | |
Lettre à Humbert Ferrand, 1830 |
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Au printemps 1830, Berlioz s'éprend de Camille Moke, qui enseigne
le piano dans l'institution de jeunes filles où lui-même
donne des leçons de guitare. "Ariel" détourne
Hector d'Ophélie et lui inspire une fantaisie dramatique sur
la Tempête, qui prendra place à la fin du Retour à
la vie. Lorsqu'il part pour l'Italie, le Prix de Rome en poche, il
est assuré d'épouser Camille. Mais à la villa Médicis,
Berlioz ne reçoit aucune lettre. Après quelques semaines,
toujours sans nouvelles, il décide de rentrer en France. À
Florence lui arrive une lettre de Mme Moke lui
annonçant sans ménagement le prochain mariage de sa fille
avec Camille Pleyel, facteur de pianos. L'épisode loufoque qui
s'en suit est rapporté dans les Mémoires (ch. XXXIV)
avec une certaine distance et beaucoup d'autodérision. |