Abraham Bosse
Les Quatre Âges de l'homme, 1636 : L'Adolescence

Eau-forte. 250 x 320
BNF Est., Ed 30, rés. Il existe un 1er état avant la lettre.

À travers cette évocation de l'adolescence, Bosse veut nous rappeler que cet âge est celui de la découverte des premières émotions amoureuses. Le couple de jeunes gens se retrouve dans un jardin, lieu propice aux confidences. Cupidon, témoin de cette scène, arme son arc d'une flèche "qui les oblige à s'aimer".
La composition est fermée à droite par une fontaine formée de vasques superposées de diamètres décroissant vers le haut. Elle est recouverte de sorte de pétrifications de coquillages et d'algues, comme si elle surgissait tout droit de la mer. Ce type de fontaines qui ornent les jardins, mêlant l'étrange au pittoresque, est particulièrement à la mode en ce début du XVIIe siècle et les recueils fournissant des modèles se multiplient. On peut citer en particulier celui de Maggi, publié en 1618 (Fontane diverse che si vedano nel'Alma Città di Roma, Rome, 1618), qui offre un répertoire intéressant de célèbres fontaines italiennes, telles celles de la villa d'Este à Tivoli ou de la villa Aldobrandini à Frascati. Mais celle représentée par Bosse est plus proche encore de modèles exécutés par Tommaso Francini, aîné d'une longue dynastie de fontainiers venue de Florence et qui travailla pour la couronne royale pendant près d'un siècle et demi. Bosse a gravé, en 1623 et 1624, d'après des dessins de Francini, la fontaine et les grottes que ce dernier réalisa dans le jardin de Saint-Germain-en-Laye, mais on peut aussi voir des ressemblances particulièrement intéressantes entre la fontaine qu'il a représentée sur L'Adolescence et les modèles rassemblés dans un recueil d'esquisses attribué à Tommaso Francini, provenant de l'ancienne abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
Derrière la fontaine, un bâtiment, composé d'une loggia, est largement ouvert et permet d'avoir en permanence un regard sur le jardin. Cette construction est un témoignage précieux de l'intérêt croissant que l'on porte à l'art des jardins. Ainsi la terrasse surplombe-t-elle le jardin afin de proposer un point de vue qui permette de voir se dérouler devant soi les parterres de broderie et les alignements de buis taillés.
Signalons, au château d'Azay-le-Rideau, un cabinet en poirier noirci réalisé au XIXe siècle, orné de plaques d'ivoire s'inspirant, pour les tiroirs, des Misères de la guerre de Callot et, pour la porte centrale, du couple d'adolescents de cette estampe de Bosse, l'association de ces deux thèmes pouvant sembler cependant assez étrange. On retrouve également ce même couple d'adolescents sur l'une des fresques du château de Grosbois.
Ce thème iconographique particulièrement fréquent au XVIIe siècle est traité par Abraham Bosse par des scènes quotidiennes présentant des activités précises liées à chaque âge de la vie. Comme le souligne fort justement Philippe Ariès "les âges de la vie ne correspondent pas seulement à des étapes biologiques, mais à des fonctions sociales", et c'est bien ce que Bosse veut montrer à travers ces quatre estampes. On est loin des images très populaires illustrant les Degrés des âges et où sont simplement représentés, juxtaposés, les âges de la naissance jusqu'à la mort, la fin de la vie étant le plus souvent symbolisée par une danse macabre. L'homme est alors réduit dans ces illustrations à un rôle uniquement et tristement biologique.
Abraham Bosse reprendra cette série de manière assez proche pour un éventail et traitera une fois encore ce sujet pour un écran.

Dans la marge inférieure 16 vers sur 4 colonnes : Ces Amans en l'Adolescence, / Qui de leur âge est le Printemps, / D'Amour esprouuant la puissance, / Cherchant à se rendre contans. // Ce Dieu leur vnique veincour / Suit les mouuements de leur ame ; / Et leur perce à tous deux le cour / D'vne fleche dor et de flame. // Il les attire en sa prison / Par l'obiet des plus belles choses ; / Qu'estale l'aimable saison, / Qui produit les lys et les roses. // Ainsi le dard dont il les blesse, / Et qui les oblige à s'aimer ; / Dans les ardeurs de leur jeunesse, / Prend vigueur, sans se consumer.
Dans une bordure de roses et de cours