Bible de Vivien, dite aussi Première Bible de Charles le Chauve
C’est à Tours, et particulièrement dans cette bible offerte au roi, que les artistes recommencent à illustrer le texte sacré, de façon moderne et originale. La scène de dédicace à l’empereur Charles le Chauve est sans doute la plus ancienne représentation d’un événement de ce genre en Occident. Un poème aide à en comprendre la signification et à en identifier les personnages : Vivien, debout à droite, introduit une procession de onze clercs se développant en arc de cercle aux pieds de l’empereur ; Aregarius, chanoine de Saint-Martin de Tours et peut-être copiste de la Bible, Sigvaldus et Tesmundus viennent de la gauche ; enfin Audradus, l’auteur possible des vers, marche à côté des deux derniers moines, qui portent la Bible enveloppée dans un linge. Accompagné de deux officiers et de deux gardes, Charles est assis sur un trône sous un portique d’or auquel pend un rideau. La main divine le protège du haut du ciel et deux vertus lui tendent une couronne.
La période carolingienne marque une étape majeure dans l'histoire des idées et de leur diffusion. Grâce au rôle joué par la cour et par les écoles, une grande partie des lettrés partage désormais une culture commune, qui réussit à fusionner des influences très hétéroclites. Les apports orientaux, anglo-saxons, ibériques et italiens se greffent sur un socle franc et germanique. C’est le premier grand épanouissement de la culture européenne.
L’expression de « Renaissance carolingienne », née sous la plume d’historiens au 19e siècle, laisse croire à tort que l’empire carolingien succède à une époque barbare et inculte. Au contraire, les prémices de cette renaissance sont anciens, et sur les ruines de la culture romaine s’était déjà édifiée depuis longtemps une nouvelle culture d’inspiration chrétienne.
Le tournant qui s’opère aux 8e et 9e siècles n’en est pas moins fondamental. De Charlemagne à Charles le Chauve, les empereurs carolingiens ont su donner une impulsion décisive, et une véritable cohérence, à ces premières manifestations d’une culture nouvelle, en soutenant avec efficacité et enthousiasme les entreprises intellectuelles et artistiques de leur temps.
Charlemagne, dans la mémoire populaire, passe pour avoir « inventé l’école » ; si les écoles dont il ordonne la création n’ont que peu de points communs avec celles que nous connaissons aujourd’hui, il n’en reste pas moins qu’il est effectivement le premier à avoir édicté une véritable législation visant à mettre en place des cadres scolaires.
L’enseignement est d’abord l’un des rôles qu’il attribue à l’Église. Quand il prend le pouvoir, les monastères sont en effet les seuls lieux où, grâce aux scriptoria et aux bibliothèques, les moines ont les moyens d’étudier les textes anciens, qu’ils soient religieux ou profanes. Il n’existe rien de semblable pour le clergé séculier ni pour les laïcs ; c’est à quoi la nouvelle législation tente de remédier.
Ordonnance de Charlemagne
Admonitio generalis(Exhortation générale)
Ce capitulaire a été promulgué par Charlemagne le 23 mars 789. L'Admonitio generalis est une ordonnance impériale, longue de 82 articles, qui définit les droits, les obligations et les missions des sujets de Charlemagne, qu'ils soient ecclésiastiques ou laïcs, pour les domaines religieux, intellectuel et moral. Le chapitre 72, spécialement adressé aux prêtres, leur enjoint de respecter les préceptes de l'Évangile dans l'exercice de leur ministère, afin de convaincre leur entourage des bienfaits de la religion et de les convertir, qu'il s'agisse d'enfants de serfs ou d'hommes libres. L'empereur y déclare :
«Moi, Charles [...] nous voulons que des écoles soient fondées où les enfants puissent [apprendre à] lire. Dans chaque monastère ou évêché, corrigez scrupuleusement les psaumes, les notes [l'écriture sténographique], le chant [d'église], le comput [calcul], la grammaire et les livres religieux ; parce que souvent, ceux qui souhaitent bien prier Dieu le font mal à cause de livres non corrigés. Ne permettez pas que vos élèves les altèrent, soit en les lisant, soit en les écrivant ; et s'il faut copier les Évangiles, le psautier ou le missel, que des hommes d'expérience les transcrivent avec le plus grand soin.»
De tous les édits royaux contenant des mesures législatives ou administratives, nommés capitulaires, qui émaillent l’histoire carolingienne, l’Admonitio generalis (Exhortation générale) est le plus connu et l’un des plus importants. Promulgué le 23 mars 789, ce long texte de 82 articles aborde tous les sujets pouvant figurer dans une constitution à la fin du 8e siècle, c’est-à-dire les droits, les obligations et les missions des sujets de Charles, dans les domaines religieux, moral et intellectuel. Destiné à tous les membres de la société, laïcs et ecclésiastiques, il est rédigé par des prêtres et des conseillers de l’empereur.
Le chapitre 72, spécialement adressé aux prêtres, leur enjoint de respecter les préceptes de l’Évangile, de fonder des écoles où les enfants puissent lire, et de corriger scrupleusement les textes qu’il s’agit de transcrire avec le plus grand soin.
Les objectifs de Charlemagne : évangélisation et administration
Charlemagne reprend en fait à son compte des décisions déjà prises en 772 par son cousin Tassilon III, duc de Bavière, qui a demandé aux évêques d’organiser des écoles dans leurs églises. Il s’intéresse aux études dans des buts précis. D’abord, il sait que le clergé doit être instruit et muni de versions correctes du texte sacré pour ses missions d’évangélisation et de réforme, et pour instruire à son tour le peuple qui lui est confié.
Ensuite, il tente de fonder une administration performante, que l’étendue de ses territoires rend indispensable. Il doit donc rendre à ce moyen de gouvernement qu’est l’écrit la place qu’il avait dans le monde romain. Les comtes et missi dominici (les représentants du roi, envoyés ponctuellement en tournées d’inspection dans ses circonscriptions et chargés de transmettre les capitulaires de l’empereur) qu’il emploie doivent savoir lire pour interpréter ses ordres, et écrire pour rédiger des rapports. La langue utilisée, le latin, doit être pure, afin d’être comprise de tous.
Poème XXVIII des Louanges de la Sainte Croix
De laudibus sanctae crucis de Raban Maur
Ce poème constitue le vingt-huitième et dernier poème du recueil des Louanges de la Sainte Croix. Pour son auteur, le moine Raban Maur, 28 est un nombre parfait qui représente la somme des sept premiers chiffres. Il signifie l’ordre de Dieu dans sa création.
L’ensemble de la page constitue approximativement un carré, elle est quadrillée en carreaux réguliers contenant chacun une lettre. Au centre de la page se dresse la Croix au pied de laquelle l’auteur lui-même élève son offrande. À l’intérieur de chacune de ces deux images est inscrit un texte rédigé dans une autre écriture.
Ce n’est pas si facile à obtenir, et Charlemagne doit répéter la nécessité d’une instruction solide pour les clercs et les moines, et du minimum indispensable à la religion pour les laïcs. Peu après le concile de Francfort en 794, il envoie ainsi à l’abbé de Fulda la lettre De litteris colendis (De la culture littéraire), qui complète les directives de l’Admonitio generalis. Charlemagne y prône une éducation littéraire poussée, seul moyen de comprendre les textes bibliques les plus difficiles. L’empereur veut créer des écoles dans tous les monastères et dans tous les évêchés du royaume ; en 803, les parents sont priés d’envoyer leurs enfants à l’école.
L’Église soutient cette politique où elle trouve son intérêt. En écho aux décisions de l’empereur, Théodulfe, évêque d’Orléans en 798, ordonne aux prêtres de son diocèse d’avoir « des écoles dans les villes et les villages. Et si l’un des fidèles veut que ses enfants apprennent à lire, qu’ils ne refusent pas de les recevoir et de les enseigner… », et tout cela gratuitement. Par ailleurs, la correspondance d’Alcuin contient des allusions à l’existence d’écoles dans les diocèses, et dans une lettre datée de 813-814, l’archevêque de Lyon Leidrat rapporte à Charlemagne : « J’ai en effet des écoles de chantres… J’ai aussi des écoles de lecteurs qui non seulement s’exercent aux lectures des offices, mais aussi exercent leur intelligence spirituelle dans la méditation des livres divins. »
Louis le Pieux continue cette politique avec Benoît d’Aniane. En 817, le concile d’Aix décide que les écoles monastiques seront réservées aux futurs moines, et que les grandes abbayes et les évêchés doivent ouvrir d’autres écoles, dispensant l’enseignement de base destiné aux autres clercs et aux laïcs ; mais cette consigne sera peu appliquée. Des décisions similaires sont prises les années suivantes, mais conformément à l’évolution de l’Église, ce sont maintenant les abbés et les évêques qui décident, et le partage de Verdun en 843 marque la fin des décrets généraux.
Un programme ordonné par l’empereur
Si l’on reprend les termes de l’Admonitio generalis, le programme de Charlemagne concerne les apprentissages de base, lire (le latin bien sûr), écrire et compter. Le chant destiné aux offices religieux et « les notes », sorte de sténographie destinée aux futurs employés de chancellerie, permettent de préciser une fois pour toutes le but de l’empereur : réguler la pratique de la religion et l’exécution des tâches administratives.
Charlemagne remet également à l’honneur les Arts libéraux, c’est-à-dire les sept disciplines intellectuelles considérées comme fondamentales depuis l’Antiquité. Destinées à l’élite intellectuelle, dirigées souvent par des savants reconnus comme Raban Maur ou Haymon d’Auxerre, elles sont organisées en deux cycles, dont l’acquisition est alors vue comme nécessaire à la compréhension des mystères de la Foi chrétienne. Le premier cycle, le trivium, permet surtout la maîtrise de la langue latine ; il regroupe ainsi grammaire, rhétorique (l’art de composer un texte) et dialectique (l’art de disserter). Le second cycle, le quadrivium, est consacré aux disciplines scientifiques : arithmétique, géométrie, musique et astronomie. La transmission des Arts libéraux constitue un progrès décisif dans l’organisation des études, et servira de base à l’enseignement scolaire puis universitaire pendant tout le Moyen Âge.
La Dialectique enseignant à deux écoliers
Les Noces de Mercure et de Philologie
Conseillé par Alcuin, Charlemagne prône une éducation littéraire poussée, seul moyen de comprendre les textes bibliques les plus difficiles. Dans les grands monastères de Gaule, à Corbie et Saint-Riquier, à Saint-Martin de Tours, mais aussi près de certaines cathédrales, à Reims ou à Lyon par exemple, et dans le palais de l’empereur, des écoles savantes s’organisent pour la première fois de façon claire et structurée.
L’enseignement carolingien s’appuie sur des manuels d’arts libéraux: celui en neuf livres, rédigé vers 400 par Martianus Capella, décrit les noces de Mercure (Parole et Raison) et de Philologie (celle qui aime Raison). Cet ouvrage, où chaque discipline est personnifiée, est complété par les réaménagements et les enrichissements apportés au 4e siècle par Cassiodore (Institutiones) et Boèce.
Une grande tablette à écrire dans la main droite, la Dialectique enseigne cette discipline reine qu’est l’argumentation à deux écoliers. Elle harponne l’un d’entre eux de sa crosse tandis que des serpents, symbolisant les arguments de la controverse, sortent de sa manche et pointent la tête vers les jeunes élèves.
Martianus Capella, Les Noces de Mercure et de Philologie
L’enseignement carolingien s’appuie sur des manuels d’arts libéraux : celui en neuf livres, rédigé vers 400 par Martianus Capella, décrit les noces de Mercure (Parole et Raison) et de Philologie (celle qui aime Raison). Cet ouvrage, où chaque discipline est personnifiée, est complété par les réaménagements et les enrichissements apportés au 6e siècle par Cassiodore [Institutiones] et Boèce.
Il est difficile de juger de l’impact général de cette politique, mais le résultat pour le clergé est manifeste. Au concile de Savonnières en 859, les évêques reconnaissent que Charlemagne a beaucoup apporté à l’Église et au savoir, et demandent aux rois Lothaire II et Charles le Chauve de l’imiter. Le niveau culturel général augmente, timidement sous Charlemagne, puis de façon plus marquée pendant tout le 9e siècle, et les Carolingiens lettrés écrivent un latin correct, qui va rester pendant plusieurs siècles la langue internationale de la religion et de la culture. Une correspondance abondante et variée s’échange dans toute l’Europe.
Cassiodore, Institutiones divinarum et saecularium litterarum, Livre I
Hérités de l’Antiquité, les Arts libéraux sont un programme éducatif que l’on dirait aujourd’hui « secondaire », comprenant sept disciplines divisées en deux niveaux : le trivium regroupe grammaire, dialectique, rhétorique ; le quadrivium est consacré aux disciplines scientifiques, arithmétique, géométrie, musique et astronomie. L’adoption de ce programme constitue un progrès décisif dans l’organisation des études. Il servira de base à l’enseignement scolaire puis universitaire pendant tout le Moyen Âge.
Entre 551 et 562, l’ancien sénateur romain Cassiodore (v. 480- v. 575) rédige pour les moines qu’il a rassemblés autour de lui à Vivarium (Calabre) un ouvrage en deux livres, destiné à leur procurer les éléments de base (institutiones) nécessaires à l’intelligence des Écritures (divinae litterae : livre I) et à l’apprentissage des notions élémentaires de la culture profane (saeculares litterae : livre II) ; autrement dit, une bibliographie sélective des commentaires de l’Écriture associée à une méthode de mémorisation des données de la culture antique traditionnelle. Diffusés séparément, ces deux livres jouent un rôle majeur dans l’élaboration de la culture monastique.
Cependant, si le latin est la langue du clergé et de l’élite intellectuelle et administrative, les princes carolingiens, dont la langue maternelle est le francique (un dialecte germanique parlé couramment en Austrasie, comme l’est le roman en Neustrie), savent qu’une grande partie de leurs sujets ne connaît pas le latin, et ils tiennent compte des pratiques linguistiques les plus répandues. Le concile de Tours en 813 conseille d’ailleurs aux évêques de prêcher en langue romane ou germanique, même si le latin reste obligatoire pour les offices… Charlemagne est « à demi instruit » : il comprend et lit le latin et le parle suffisamment pour soutenir une conversation, mais il ne sait pas l’écrire ; quand il souhaite répondre en vers à un poème de remerciements envoyé par Paul Diacre, il fait appel à son professeur de grammaire, Pierre de Pise. Quant à sa connaissance du grec, elle n’existe sans doute que dans l’esprit de son biographe, Éginhard. Ce dernier est sans doute plus proche de la réalité quand il rapporte que l’empereur fait transcrire les vieilles légendes barbares, pour garder le souvenir de l’histoire et des exploits des vieux rois, et qu’il tente d’écrire une grammaire germanique… Le seul de ces textes à avoir survécu est une histoire en vers du héros germanique Hildebrand, écrite à Fulda en 800. Louis le Pieux, son fils, commandera un poème épique en saxon retraçant la vie du Christ d’après les Évangiles. Enfin, les Serments de Strasbourg témoignent aussi du multilinguisme qui règne alors dans les territoires sous domination carolingienne.
L’amélioration de la gestion du royaume héritée des rois mérovingiens est un but important pour Pépin le Bref, qui s’inspire du modèle italien. Les officiers qui l’entourent sont des laïcs, le plus souvent membres de l’aristocratie franque, mais les responsables de l’administration royale sont maintenant des clercs. Ils jouent le premier rôle dans la longue réforme religieuse et administrative qui commence alors et se traduit par un nombre d’actes en constante augmentation. S’il existe une véritable école dans le palais du souverain, elle est réservée à cette époque aux jeunes clercs qui apprennent leur métier dans la chapelle ou dans la chancellerie.
Construction d’Aix-la-Chapelle
Pépin le Bossu devenant moine
Grandes Chroniques de France
Construction d’Aix-la-Chapelle
L’empereur Charlemagne visite un chantier, vraisemblablement celui du palais d’Aix-la-Chapelle.
Pépin le Bossu devenant moine (en arrière-plan à droite)
Après avoir découvert le complot de son fils naturel Pépin le Bossu, Charlemagne assiste à son entrée dans les ordres.
Au 8e siècle, les rois ont encore une vie itinérante. En s’installant à Aix-la-Chapelle à partir de 790 et en y construisant une résidence digne de ses ambitions, Charlemagne est le premier à réunir son entourage dans un lieu fixe, connu sous l’appellation de palais. L’organisation du palais et son protocole sont calqués sur la cour de l’empereur romain Constantin (314-340). Les membres de la famille impériale sont au centre d’une organisation complexe, constituée d’officiers de haut rang, le chapelain et l’archichancelier, et d’autres fonctionnaires comme le chambrier, charge occupée sous Charles le Chauve par le comte Vivien. Les responsables de l’empire y font de nombreuses visites, la cour est au cœur d’échanges diplomatiques nourris et, après le couronnement à Rome, un prestige international s’ajoute à son éclat. Louis le Pieux maintient le siège de son gouvernement à Aix-la-Chapelle. De même, après le partage de 843, quand Charles le Chauve choisit Compiègne parmi d’autres résidences et Louis le Germanique Francfort ou Ratisbonne, la ville élue par leur grand-père reste un enjeu politique important.
Les écoles du Palais
Reliure d’orfèvrerie et d’ivoire au Christ bénissant
Évangiles de Saint-Denis
Entré à Saint-Denis parmi les dons faits par Charles le Chauve à l’abbaye, ce volume est dû aux artistes du palais impérial et rehaussé d’une reliure précieuse, ornée d’une très belle plaque d’ivoire d’éléphant sculptée d’un Christ bénissant, insérée dans une bordure gothique de la première moitié du 14e siècle au plat inférieur de la reliure. Comme le diptyque de Bourges, cette plaque appartient au courant stylistique dont font partie les manuscrits issus de l’école du Palais : il s’agit sans doute des premières créations sur ivoire qui y furent réalisées.
Reliure d’orfèvrerie et d’ivoire au Christ bénissant |
Bibliothèque nationale de France
C’est autour de la Cour de Charlemagne et de celle de Charles le Chauve que se constituent les deux écoles du Palais carolingiennes où se développent les arts. Elles dépendent étroitement du mécénat des deux princes, et ne survivent pas à leur disparition.
L’école de Charlemagne
La première école palatine, localisée à Aix-la-Chapelle, se développe à la fin du 8e et au début du 9e siècle sous l’impulsion de Charlemagne ; elle marque le début d’une ère nouvelle dans tous les domaines. Les architectes qui participent à la construction et à l’ornementation des bâtiments y côtoient les calligraphes et les peintres qui produisent des manuscrits de grand luxe, destinés pour partie à la chapelle impériale. La cour s’installe définitivement à Aix-la-Chapelle en 795, dans un ensemble architectural qui représente la plus importante réalisation civile dans le royaume.
L’empereur accueille volontiers dans son palais les écrivains et les intellectuels, qu’il fait travailler pour lui. Charlemagne est plein de vénération pour ceux qui enseignent, les comble d’honneurs et se fait leur élève. Il apprend la grammaire avec Paulin de Pise, la rhétorique, la dialectique et l’astronomie avec Alcuin. Rencontré en Italie, celui-ci est sans doute le conseiller le plus proche et le plus écouté, comme en font foi des lettres au ton et au contenu très personnels. D’après Éginhard, l’empereur encourage des leçons, des débats entre intellectuels et aristocrates, des jeux littéraires, auxquels assistent les enfants de la famille royale et ceux des aristocrates qui vivent à la cour. Une vie brillante réunit les lettrés, membres de cette sorte de salon qu’est l’Académie palatine, où la poésie, très appréciée par le souverain, est à l’honneur. Ses membres surnomment Charlemagne David, et se donnent des pseudonymes à consonance antique comme Théodulfe le rapporte dans un poème, Alcuin est Flaccus, Angilbert Homère, et Éginhard Nardulus.
Les évangélistes saint Marc et saint Luc
Évangéliaire de Charlemagne
Témoin de la rencontre dont la Cour est le foyer entre le monde celte, les apports insulaires et l’héritage romain et byzantin, ce chef-d’œuvre réalisé pour Charlemagne dans l’école du Palais est sans aucun doute l’un des plus précieux et des plus importants manuscrits carolingiens. C’est le plus ancien manuscrit réalisé pour la nouvelle dynastie qui nous soit parvenu, près de vingt ans avant le couronnement de Charlemagne à Rome en l’an 800. Seul témoin subsistant des débuts de la réforme liturgique mise en œuvre par Charlemagne au début des années 780, il doit être considéré comme une première expérience, qui marque de façon magistrale le début de ce que nous appelons aujourd’hui la Renaissance carolingienne.
Témoin de la rencontre dont la Cour est le foyer entre le monde celte, les apports insulaires et l’héritage romain et byzantin, ce chef-d’œuvre réalisé pour Charlemagne dans l’école du Palais est sans aucun doute l’un des plus précieux et des plus importants manuscrits carolingiens.
Le portrait de l’évangéliste Jean est placé en vis-à-vis d’un Christ en majesté, jeune, chevelu et imberbe, une représentation nouvelle en Occident, sans doute inspirée d’un modèle byzantin.
L’évangéliste saint Jean et le Christ en majesté |
Bibliothèque nationale de France
En matière de production de manuscrits, l’école s’illustre à travers l’exécution d’Évangiles de très haute qualité, enluminés dans un style où dominent les influences de l’Antiquité tardive. De cette école sont issus en particulier les Évangiles du groupe d’Ada, du nom d’une abbesse de l’entourage de Charlemagne, et les fameux Évangiles du Couronnement, dont les illustrations sont réalisées dans un style illusionniste ancré dans la tradition hellénique. Tous ces manuscrits témoignent de la richesse d’inspiration de leurs auteurs, comme du souci de perpétuer les conceptions artistiques de la culture grecque et romaine. La hiérarchie savante dans l’utilisation de la pourpre et des écritures d’or et d’argent, le luxe des peintures à pleine page et des lettres ornées, la variété infinie des encadrements, témoignent du niveau des moyens qui leur sont dédiés. Ce centre est vraisemblablement dirigé dans les premières années par Godescalc. Son activité diminue peu à peu pour cesser vers 810, mais son style va marquer la production livresque de la partie orientale de l’empire franc pour longtemps.
Témoin et acteur d’une évolution inéluctable qui a commencé avant lui, Charlemagne entretient donc à ses côtés une sorte de laboratoire. Là est le berceau de la renaissance culturelle et artistique qui caractérise l’époque carolingienne. La mort de Charlemagne met un terme à l’activité artistique de l’atelier impérial d’Aix, mais de Louis le Pieux à Charles le Chauve, malgré leurs insuffisances et leurs dissensions, ses successeurs ont continué la politique de leur aïeul.
L’école de Charles le Chauve
Sous le règne de Louis le Pieux, la qualité des réalisations d’ouvrages liturgiques connaît une baisse sensible, mais ses fils, Louis le Germanique, Lothaire Ier et Charles le Chauve, renouent avec la tradition des volumes de luxe, commandes impériales ou dons de leur entourage. Charles le Chauve, en effet, aime le luxe. En témoigne une lettre de 840-841, où Loup de Ferrières demande au chancelier de l’empereur que deux de ses serviteurs soient instruits dans l’art de travailler l’or et l’argent par les orfèvres de la Cour : « La renommée a répandu partout que vous en possédiez de très habiles. » Durant la seconde moitié du 9e siècle, l’empereur s’engage donc sur les traces de son illustre grand-père en encourageant les arts, en particulier dans les domaines du livre et de l’orfèvrerie.
La cour céleste et le Christ en majesté
Sacramentaire de Charles le Chauve
Ce petit cahier est sans doute le début d’un sacramentaire destiné à Charles le Chauve, qui n’a pas été terminé. Le décor exceptionnel permet d’imaginer ce qu’aurait été l’ensemble. Sur cette double page des plus rutilantes, une cour céleste est placée en face du Christ, lui-même entouré de deux séraphins et des deux allégories de l’Océan et de la Terre nourricière. L’auteur de ces illustrations est sans conteste un très grand artiste, qui a su intégrer à sa propre vision l’influence des centres qui marquent la vie artistique depuis le début du 9e siècle, comme Tours ou Reims.
Son nom est ainsi associé à plusieurs manuscrits particulièrement luxueux, tels le Codex Aureus, son psautier et son livre de prières. Ces deux derniers manuscrits sont signés par le scribe Liuthard, qui dirige probablement l’école de Charles le Chauve et qui donne son nom à un ensemble de pièces d’ivoire également produites dans son entourage. Cette école du Palais, dont la localisation demeure inconnue, se situe au point de rencontre des grands courants artistiques des décennies précédentes, empruntant la plupart de ses traits stylistiques aussi bien à Metz qu’à Reims et à Tours.
La production livresque de son école palatine mêle harmonieusement les aspects novateurs des grands scriptoria francs, l’originalité iconographique de Metz et la puissante interprétation des modèles antiques pratiquée à Reims ou à Tours, avec les héritages italien et insulaire. Cet atelier est composé de scribes, de peintres, mais aussi de sculpteurs sur ivoire et d’orfèvres ; des thèmes et des modèles semblables traversent les différentes techniques mises en œuvre pour la fabrication des livres. Les peintres et les calligraphes suivent au gré des événements les pérégrinations de la cour entre les résidences royales de Soissons, Saint-Denis, Ponthion, et surtout de Compiègne où l’empereur inaugure en 877 une chapelle à l’image de celle d’Aix, symbole de la nostalgie pour une époque déjà révolue. L’art carolingien atteint alors un aboutissement éblouissant qui va fortement influencer les siècles suivants.
David et ses musiciens
Psautier de Charles le Chauve
La faveur des Carolingiens pour les images permet une entrée en force de la figuration dans les manuscrits d’apparat dont les peintures, d’une même facture, laissent à penser qu’elles ont été exécutées par des enlumineurs indépendants. Travaillant seuls ou avec des assistants, ils se déplacent au rythme des commandes passées par les souverains ou par de hauts dignitaires issus de l’aristocratie. Clercs ou laïcs, ces professionnels itinérants s’affirment comme artistes à part entière, maîtrisant souvent plusieurs techniques, telles la peinture des manuscrits, la sculpture sur ivoire ou l’orfèvrerie.
On voit ici une des illustrations habituelles des psautiers : David accompagné de ses musiciens jouant du psaltérion, des cymbales, de la cithare et des cordes.
Ce petit cahier est sans doute le début d’un sacramentaire destiné à Charles le Chauve, qui n’a pas été terminé. Le décor, dû à un très grand artiste, est d’un luxe ornemental et iconographique inégalé. Le T du Te Igitur apparaît comme posé sur un fond vert vif rehaussé de rinceaux dorés, dont l’exubérance rappelle les grandes pages-tapis de la Bible de Saint-Paul hors les murs. Inscrit sur le fond bleu du T, le Christ en croix est surmonté d’une magnifique représentation du soleil et de la lune sous les traits d’un homme illuminé d’une couleur orangée et d’une femme en gris, dans la même mise en scène que sur les ivoires des reliures.
Les nombreux débats théologiques autour de la Passion du Christ et les prises de position des Carolingiens en faveur d’une dimension pédagogique et affective des images ont favorisé l’essor de l’iconographie de la Crucifixion dès la fin du 8e siècle. Celle-ci est abondamment représentée dans les œuvres de l’époque carolingienne. Dans les sacramentaires, on la trouve en tête de la prière Te Igitur qui ouvre le canon de la messe et constitue ainsi, comme le Vere dignum, l’un des temps forts de la décoration de ces manuscrits liturgiques.
Symbole de la croix, l’initiale T revêt ici l’aspect d’un véritable tableau de la Crucifixion. Auréolé d’un nimbe crucifère, le Christ en croix apparaît les yeux ouverts et les traits sereins, à la fois vainqueur et vaincu, mort et toujours vivant. Il est entouré des personnifications du soleil et de la lune dans des disques qui symbolisent la dimension cosmique du Salut. À ses pieds, le serpent évoque son triomphe sur la mort et sur le mal. Cette image invite ainsi le lecteur à contempler l’immortalité et l’éternelle majesté du Christ.
Le champ bleu de la croix est orné aux extrémités d’entrelacs dorés d’où s’échappent de luxuriants rinceaux. Cette exubérance végétale rappelle les compositions de l’enlumineur du sacramentaire de Drogon, et ses initiales ornées de rinceaux antiques qui s’enroulent librement sur les montants. À droite, le cartouche de pourpre renferme, inscrites en capitales dorées, les lettres suivantes de la prière : [T…] E IGITUR (Vous donc).
Inséré dans un cadre particulièrement somptueux délicatement bordé de porphyre, de feuillages stylisés et de pierres précieuses, ce tableau est l’une des œuvres les plus abouties du sacramentaire, tant sur le plan spirituel qu'artistique.
L’élan créateur se poursuit durant la seconde moitié du 9e siècle sous Charles le Chauve, qui conserve les mêmes orientations de politique culturelle et continue à soutenir la création artistique. De grands centres de culture se développent au sein de l’empire, où font exception l’Aquitaine et la Provence ruinées par les guerres incessantes et les invasions. Dans les grands monastères de Gaule, à Corbie et Saint-Riquier, à Saint-Martin de Tours, mais aussi près de certaines cathédrales, à Reims ou à Lyon par exemple, des écoles s’organisent pour la première fois de façon claire et structurée, selon un schéma inspiré de celui qui fonctionne à la fin du 7e siècle à York, où Alcuin a enseigné pendant plusieurs années.
Saint Jérôme établissant sa traduction biblique
Bible de Vivien, dite Première Bible de Charles le Chauve
C’est autour de la rayonnante figure de saint Jérôme que s’ouvre cette bible commandée pour l’empereur par Vivien, abbé de Saint-Martin de Tours (844-851) : nimbé d’un halo d’or, le saint fait voile vers l’Orient, travaille à la Bible qu’il prend le temps d’expliquer à ses disciples qui commencent à la copier, puis, à l’instar d’un nouveau Moïse, la distribue aux moines qui, saisis d’une mystérieuse contagion, se dépêchent de retourner dans leur église, le précieux volume à la main ! En quelques images, l’épopée de la traduction biblique se trouve ici magnifiquement résumée.
Jérôme naît en Italie vers 342, peu de temps après que le christianisme a été adopté par l’empereur Constantin. Il apprend le latin à Rome du célèbre grammairien Donat, perfectionne son grec et apprend l’hébreu en Palestine et en Syrie. Le pape Damase 1er(366-384), désireux de faire de Rome la capitale chrétienne de l’Europe, le charge de réviser le texte des Évangiles, dont différentes versions circulent, souvent truffées d’erreurs de lecture ou de transcription, l’une en grec, l’autre en latin ancien, version qualifiée de Vetus latina (vieille latine) dont Jérôme trouve le texte particulièrement altéré. Il peut en rectifier les variantes erronées en se référant aux passages équivalents de la version grecque.
En 386, il s’installe à Bethléem et travaille pendant trente ans à une traduction complète de la Bible en s’appuyant sur les Hexaples d’Origène (vers 185-254) et sur des manuscrits bibliques en hébreu. Il meurt en 420, à près de 80 ans. Sa version, ou « Vulgate », dans un latin accessible et admirable, va circuler dans la chrétienté occidentale tout au long du Moyen Âge pour devenir à la Renaissance le premier livre imprimé.
À la demande de Charlemagne, Alcuin améliore le texte biblique en prenant pour base la traduction de saint Jérôme, la Vulgate, dont il corrige la grammaire, l’orthographe et la ponctuation, pour en normaliser la forme. Cette révision est à l’origine de la production de Bibles et d’Évangiles par l’école de Tours au 9e siècle, et de la création d’un cycle d’illustrations original qui leur donne un éclat exceptionnel. Il ne s’agit pas d’une version officielle, mais la réputation d’Alcuin l’impose comme modèle et aboutit à l’adoption définitive de cette version.
Initiale T du Te igitur : sacrifices de l’Ancien Testament
Sacramentaire de Drogon
Chef-d’œuvre de l’enluminure messine, ce sacramentaire porte en lettres d’or le nom de son destinataire, l’évêque Drogon. Il est illustré de 38 initiales historiées d’épisodes de la vie du Christ, de scènes liturgiques et hagiographiques sans équivalent à l’époque. Ici, dans les extrémités de la lettre T du Te igitur ouvrant le Canon de la Messe, trois sacrifices de l’Ancienne Loi préfigurent la Passion du Christ suivant un schéma typologique : de gauche à droite, Abel, Melchisédech debout devant un autel et Abraham apportent chacun leur offrande (respectivement un mouton, du pain et du vin et un bélier) au Seigneur dont la main surgit des nuées. Se mêlent ici inspiration antique revisitée, dans la meilleure veine carolingienne, et innovation dans la mise en page, qui font de ce sacramentaire l’une des œuvres les plus abouties sur le plan artistique et les plus habitées sur le plan spirituel.
Initiale T du Te igitur : sacrifices de l’Ancien Testament |
Bibliothèque nationale de France
Après la mort de Charlemagne, plusieurs centres se créent sous la houlette de grands personnages familiers de l’empereur. L’archevêque de Reims Ebbon, frère de lait de Louis le Pieux, favorise la création d’un atelier d’enluminure à Hautvillers, d’où sortent le fameux Psautier d’Utrecht et les Évangiles d’Ebbon, au style nerveux et vibrant d’inspiration hellénistique.
Saint Jean et grandes initiales IN marquant le début de son Évangile
Évangiles d’Ebbon
Copié à l’instigation de l’archevêque de Reims Ebbon, frère de lait et bibliothécaire de Louis le Pieux, ce manuscrit de très grand luxe renferme douze tables de canons ornées et les portraits des quatre évangélistes, placés en regard des pages d’incipit ouvrant chaque Évangile. La vivacité qui règne dans ces compositions atteint son paroxysme dans ces portraits, comme ici celui de Saint Jean, dont le caractère visionnaire demeure sans équivalent dans l’art carolingien. Ce style nerveux et vibrant, d’une surprenante originalité, permet de traduire visuellement l’exaltation frénétique qui s’empare des évangélistes.
Saint Jean et grandes initiales IN marquant le début de son Évangile |
Bibliothèque municipale d'Épernay
À Tours, la production de Bibles et d’Évangiles enluminés atteint son apogée sous les successeurs d’Alcuin, Adalard et Vivien, irriguée par des courants antiquisants teintés d’influences rémoises, comme en témoignent notamment la Bible de Vivien et les Évangiles de Lothaire.
Metz, enfin, déploie une activité artistique exceptionnelle sous l’évêque Drogon, fils illégitime de Charlemagne. Des ateliers messins nous est parvenu un groupe de manuscrits liturgiques décorés d’enluminures d’une grande finesse, et garnis de somptueuses reliures d’ivoires.
À cette époque, on observe dans les centres du Nord une rupture décisive avec la tradition figurative : demeurés fidèles à l’héritage insulaire, les enlumineurs actifs à Saint-Amandet dans les environs pratiquent un style ornemental abstrait, dit « franco-insulaire », dont la Seconde Bible de Charles le Chauve incarne l’apogée. En marge de ces écoles officielles fleurissent tout au long de la période concernée un certain nombre d’autres centres provinciaux, tels que Corbie ou Fleury, qui continuent à pratiquer un art hybride, combinant traditions insulaires, mérovingiennes et méditerranéennes.
Initiale V du « Vere dignum et justum »
Sacramentaire de Saint-Denis
Les enlumineurs franco-saxons empruntent à l’art anglo-irlandais son style linéaire et son répertoire décoratif de formes géométriques abstraites et de motifs zoomorphes. Cependant, des tendances classicisantes viennent se greffer sur ce substrat insulaire, faisant l’originalité du style franco-saxon. Les emprunts à l’art classique se manifestent en particulier dans la parfaite ordonnance des mises en page, comme dans le Sacramentaire de Saint-Denis.
Ce sacramentaire a été commandé pour l’abbaye de Saint-Denis, peut-être par Charles le Chauve lui-même, alors qu’il était abbé laïc de Saint-Denis. Caractéristique de l’école franco-saxonne, sa superbe décoration exclusivement ornementale est destinée à mettre en valeur les principales parties du texte, la Préface et le début du Canon de la Messe, comme le veut la tradition. Ces parties forment trois diptyques insérés dans des encadrements décorés de panneaux d’entrelacs et, aux angles, d’appliques en forme de quadrilobe, de carré ou de cercle garni de palmettes multicolores.
Ici le mot «VERE», introduisant la Préface Vere dignum et justum, offre une mise en page harmonieuse d’une grande symétrie et d’une parfaite ordonnance. Se détachant sur un fond quadrillé de pointillés rouges et verts, les montants dorés de l’initiale V sont ornés de motifs tressés, d’entrelacs rehaussés de couleurs vives en arrière-plan et de têtes de chien aux extrémités. Enchâssées dans le quadrillage, à l’intérieur de cette solide charpente, les lettres capitales «ERE» présentent un aspect rigoureusement géométrique. Leurs formes anguleuses et leurs terminaisons d’inspiration insulaire en pointes de flèches accentuent l’effet graphique qui se dégage du décor.
Ce sacramentaire a été commandé pour l’abbaye de Saint-Denis, peut-être par Charles le Chauve lui-même, alors qu’il était abbé laïc de Saint-Denis. Caractéristique de l’école franco-saxonne, sa superbe décoration exclusivement ornementale est destinée à mettre en valeur les principales parties du texte, la Préface et le début du Canon de la Messe, comme le veut la tradition. Ces parties forment trois diptyques insérés dans des encadrements décorés de panneaux d’entrelacs et, aux angles, d’appliques en forme de quadrilobe, de carré ou de cercle garni de palmettes multicolores, comme ici pour l’initiale T du Te Igitur.
Cette brillante renaissance artistique commence à donner des signes de déclin dès la fin du 9e siècle, minée par les dissensions internes de l’Empire puis par les invasions normandes qui font brutalement disparaître de nombreux foyers de création. Au siècle suivant, privée du soutien royal, l’activité artistique connaît ainsi un net ralentissement, se poursuivant de manière sporadique dans quelques foyers situés aux lisières de l’empire, ainsi qu’au sein de quelques monastères.