Le peintre et le cartographe
Cartes-portulans et insulaires du XIVe au XVIIe siècle


Atlas catalan
Les cartes-portulans, élaborées dès la fin du XIIIe siècle dans des ports de la Méditerranée occidentale, ont donné une représentation assez exacte des côtes de l'Europe avant d'être étendues au littoral des autres continents visités par les explorateurs et les commerçants. Construites sur les informations réunies par les marins, ces cartes ont servi à préparer des voyages, à percevoir l'étendue des circuits commerciaux, à définir les zones d'influence des puissances maritimes... C'étaient des outils conçus pour la navigation et le commerce.
Parées d'ornements et d'illustrations, les cartes-portulans sont devenues des documents de prestige ; affirmant le pouvoir de leurs commanditaires, elles servirent de présents et ornèrent les bibliothèques des rois, des princes et des riches marchands. C'est ainsi que furent élaborées trois œuvres majeures : L'Atlas catalan, de 1375, qui appartint à la librairie de Charles V ; L'Atlas Miller de 1519, réalisé pour le roi de Portugal Manuel le Fortuné ; la Cosmographie universelle de 1556, atlas dédié par un pilote havrais à l'amiral Gaspard de Coligny. Mariant habilement le réel et l'imaginaire, ces atlas font rêver leurs lecteurs qui suivent la progression géographique des toponymes côtiers et abordent dans des pays riches de promesses et parsemés de dangers, tels que les évoquent les illustrations.
Les cartes-portulans n'ont pu ignorer les îles, étapes obligées sur les routes maritimes, qui, isolées ou groupées, font partie de leur décor. Les îles suscitèrent aussi des cartes et des textes particuliers, réunis dans des atlas spéciaux, les insulaires (isolarii), qui furent d'abord consacrés à un espace de grande densité historique, celui de la Méditerranée orientale.
Quelques pièces majeures
 

Carte-portulan des côtes européennes et du nord de l'Afrique, par Giacomo de Maggiolo

 


"Atlas Miller", par Lopo Homem

 

Les cartes-portulans
Les portulans sont à la fois des textes décrivant les côtes et les ports, et des cartes nautiques peintes sur parchemin, avec le repérage des îles, des abris et des amers qui permettent de reconnaître un rivage. La richesse des informations se limite à la frange étroite où s'alignent perpendiculairement les noms des ports, tandis que l'intérieur reste d'abord vide, comme s'il s'agissait d'une zone vierge. En toile de fond se développe un réseau de lignes géométriques appelé le marteloire, différent du quadrillage des parallèles et des méridiens. Ces lignes de rhumbs issues des roses des vents, ne servent pas à mesurer l'espace, mais permettent aux marins de voir les angles de route pour se diriger plus facilement à cap constant, avec la règle, le compas et surtout la boussole, nouvelle venue en Méditerranée. Le nord est désormais en haut de la carte, le plus souvent le nord magnétique indiqué par la boussole et non le nord géographique repéré à l'aide de la Polaire ou du Soleil. Il en résulte parfois une orientation légèrement décalée par rapport aux cartes construites selon les coordonnées géographiques. L'échelle des distances en milles marins est souvent indiquée, et l'influence arabe s'y reconnait dans la numération.
 

Liber insularum Cicladorum de Cristoforo Buondelmonti

Les insulaires (Isolarii) :
les îles décrites et illustrées

Les insulaires, recueils de descriptions d'îles par le texte et l'image, se distinguent des cartes d'ensemble par leur approche géographique. Ils concernent des unités "étroitement circonscrites et aisément descriptibles". Cousins de l'hydrographie, ils peuvent être enrichis par l'expérience personnelle de leur auteur, simple voyageur ou praticien de la navigation. Les insulaires que nous présentons ici ont été élaborés aux XVe - XVIe siècles. Ils intéressent la Méditerranée orientale, zone d'expansion ottomane.