Une représentation nautique

À l'opposé de l'image théologique du monde que donne la mappemonde, et avant la redécouverte de Ptolémée en Occident, une nouvelle représentation cartographique se répand depuis l'Italie à partir du XIIIe siècle, dans un contexte d'essor du commerce maritime. Les portulans sont à la fois des textes décrivant les côtes et les ports, et des cartes nautiques peintes sur parchemin, avec le repérage des îles, des abris et des amers qui permettent de reconnaître un rivage. La richesse des informations se limite à la frange étroite où s'alignent perpendiculairement les noms des ports, tandis que l'intérieur reste d'abord vide, comme s'il s'agissait d'une zone vierge. En toile de fond se développe un réseau de lignes géométriques appelé le marteloire, différent du quadrillage des parallèles et des méridiens. Ces lignes de rhumbs issues des roses des vents, ne servent pas à mesurer l'espace, mais permettent aux marins de voir les angles de route pour se diriger plus facilement à cap constant, avec la règle, le compas et surtout la boussole, nouvelle venue en Méditerranée. Le nord est désormais en haut de la carte, le plus souvent le nord magnétique indiqué par la boussole et non le nord géographique repéré à l'aide de la Polaire ou du Soleil. Il en résulte parfois une orientation légèrement décalée par rapport aux cartes construites selon les coordonnées géographiques.

L'échelle des distances en milles marins est souvent indiquée, et l'influence arabe s'y reconnait dans la numération.

Pour quelle utilisation?

L'utilisation de ces cartes n'est pas aisée à déterminer. La plupart se limitent aux rivages fréquentés par les marins méditerranéens, de la mer Noire à Bruges. Celles arrivées jusqu'à nous en petit nombre, n'ont pas forcément voyagé sur la mer, comme tendrait à le prouver leur bon état de conservation. On sait qu'il y en avait une sur le bateau amenant Saint-Louis à Tunis en 1270, et que le roi d'Aragon en avait imposé la présence de deux sur chacun de ses navires en 1354. Mais ce n'est pas un instrument indispensable en Méditerranée, puisque les côtes ne sont jamais longtemps perdues de vue et que les nuits claires permettent souvent de naviguer aux étoiles. Dans l'Atlantique, l'estimation des distances parcourues est beaucoup plus ardue et le repérage astronomique s'impose, au moins pour la latitude, aux Portugais voguant vers le cap de Bonne Espérance.

Nombre de cartes conservées sont souvent des documents d'apparat que le marchand ou l'armateur garde pour visualiser l'ampleur de ses affaires. C'est le cas des superbes cartes, richement décorées, que produisent aux XIVe et XVe siècles les ateliers de Majorque ou de Barcelone. La représentation de l'espace ne se limite plus aux côtes, mais couvre d'une ornementation chatoyante l'intérieur des terres avec les fleuves, les montagnes et les lacs, les villes et les voies de circulation, sans oublier les souverains et les animaux, réels ou imaginaires. De tels documents se retrouvent surtout dans les collections prestigieuses des grands, pour marquer l'étendue et la richesse de leurs possessions.