Encyclopédie des arts du cirque

Arts du cirque

Débuts de demoiselle Emma Jutau et de la troupe Rosinsky

Cirque d’Été, Champs-Élysées – Carré Marigny
Affiche, Morris Père et Fils (Paris), 1878
Lithographie, typographie, noir et blanc. Impression en noir sur papier couleur, collée sur placard typographique, 84 x 60 cm
BnF, département des Estampes et de la photographie, ENT TB-3(5)-FT 6
© Bibliothèque nationale de France
Le Cirque d’Été présente pour la première fois en France Mlle Emma Jutau, ou Juteau, acrobate et gymnaste, c’est-à-dire, selon le mot de la fin du XIXe siècle, gymnasiarque. Selon William L. Slout, l’artiste aurait effectué trois saisons en tant que gymnaste et trapéziste chez Warner Henderson & Co en 1874, Springer’s Royal Cirq-Zoolodon en 1875 puis, en tant que trapéziste dans le grand cirque Cooper, Bailey & Co., rival de celui de PT Barnum’s, en 1876, avant de traverser l’Atlantique. Sa tournée européenne commence l’année suivante en Angleterre, au Howes’ Great London Circus. Après une série de prestations en France, selon Alwill Raeder, elle effectue un mois d’engagement dans le prestigieux établissement d’Ernst Renz à Berlin, du 15 décembre 1880 au 14 janvier 1881. Infatigable, elle met ensuite le cap sur l’Amérique du Sud, par le Mexique, au cirque des frères Orrin pendant l’hiver 1882 et au cirque des Dockrill’s, Richard et Elise Kennebel, jusqu’en 1886.
À la fois forte, souple et gracieuse, elle est souvent comparée à Leona Dare, une acrobate de force américaine née en 1855, dont on vante « la mâchoire d’acier » qui lui permet de se suspendre à la barre d’un trapèze, notamment sous un ballon dirigé par l’aéronaute et photographe Edouard Spelterini. Tout comme Emma Jutau attrape entre ses dents la petite barre d’un dispositif qui lui permet de glisser le long d’un câble oblique tendu dans la salle du cirque. À l’été 1879, la presse répercute la nouvelle de son accident au Cirque d’Été et annonce son retour. À l’Hippodrome de l’Alma puis aux Folies Bergère, où elle est engagée par la suite, elle présente un répertoire d’exercices plus élaborés aux anneaux et au trapèze, prouesse peu courante pour des acrobates féminines.
Fait plus rare encore, elle exécute des grimpers et d’autres figures le long d’une corde lisse qui, fixée au sol, s’apparente au mât chinois adopté au XXe siècle. Apparu avec les troupes japonaises découvertes par les Occidentaux au milieu des années 1860, l’agrès est baptisé corde japonaise, ainsi que le mentionne Georges Strehly dans L’Acrobatie et les acrobates. Elle est pratiquée à la verticale comme le montre une image de l’Anglaise Miss Jeanette Dorina vers 1890, ou oblique à la façon de Little AllRight – Hamaikari Umekichi – ou de Mlle Louise Triaud, du Cirque Alphonse Rancy. En 1904, cette dernière incarne le « fantôme aérien de La Boucle » en escaladant un câble de 12 mètres, le corps enduit d’une matière fluorescente, dans le Luna Park de la rue de Clichy.
 
Sources :
- William L. Slout, Olympians of the Sawdust Circle: A Biographical Dictionary of the Nineteenth Century American Circus, Borgo Press, 1998, p. 151.
- Alwill Raeder, Der Circus Renz in Berlin 1846-1896, Berlin, 1897, p. 165-166.
- Description du numéro et d’un accident d’Emma Jutau au Cirque d’Été, par Argus, dans La Semaine des Familles du 23 août 1879, p. 335-336.
- Rentrée de l’équilibriste Mlle Juteau au Cirque d’Été, bien remise de l’accident dont elle a été victime dans La Liberté du 5 septembre 1879.
- Débuts aux Folies Bergère de la jeune et charmante gymnaste déjà célèbre, émule de Leona Dare, Emma Jutau, dans Le Tintamarre du 1er avril 1880.
- La Culture Physique du 1er mai 1914, p. 11.
- La troupe Rosinsky, équilibristes et sauteurs sur pyramide de tables au Cirque d’Été dans Le Gaulois du 20 août 1879.
- Le Figaro du 13 octobre 1904, 5e colonne.
- Cirque Alphonse Rancy à Lyon : début de Mlle Triaud à la corde japonaise dans La Tribune de Genève du 16 mai 1903.