Encyclopédie des arts du cirque

Arts du cirque

Lou Jacobs et la girafe Clarence lisant le même journal

Cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey, quartiers d’hiver de Sarasota, vers 1950
Photographie positive, 24 x 36 mm
BnF, département des Arts du spectacle, FOL-PHO-22 (8)
© Bibliothèque nationale de France
C’est avec une petite variante dans son travestissement que Lou Jacobs, auguste emblématique du cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey, pose avec la girafe Clarence, avec laquelle il avait partagé la couverture de Life du 8 avril 1946. Particulièrement connu, reconnu et copié pour son faux crâne ovoïde cerné d’une couronne hirsute de cheveux couleur carotte, il détourne un peu l’image de lui qui domine dans la mémoire collective en arborant un – faux – crâne parfaitement rond et nu. C’est sous ses traits-là que, dans les années 1944-46, le jeune photographe Stanley Kubrick (1928-1999) l’immortalisera et que la revue Liberty lui fera faire la couverture du magazine.
C’est un singulier itinéraire que parcourt Johann Ludwig Jacobs (1903-1992), descendant d’une famille juive allemande d’artistes de vaudeville. Formé à l’acrobatie et à la contorsion, il rejoint son frère Karl aux États-Unis en 1923 et se produit avec lui en cabaret. Repéré et embauché en 1924 par John Ringling pour une première tournée du cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey, il n’en repartira plus. Il met alors au point son personnage. Très largement inspiré par celui d’Albert Fratellini, il arbore un maquillage aux traits démesurés ponctué d’une boule rouge et s’enveloppe dans un ensemble d’amples vêtements à carreaux. Dans la vaste piste hippodrome du cirque géant, il multiplie des gags à effets devant plusieurs générations de public. Tous attendent avec ravissement l’entrée de la voiture miniature où il a plié sa silhouette imposante ou ses walkarounds au large des trois pistes, immergé dans une baignoire motorisée remplie de mousse où il se prélasse sous une douche de bulles irisées ou encore en maillot rayé, arrimé à l’arrière d’un bateau bondissant sur… des vagues de sciure, dans une parodie de ski nautique.
Entre 1924 et 1988, date de sa retraite à 85 ans, Lou Jacobs est partout chez lui, en tournée avec l’une des deux unités qui sillonnent le vaste pays en trains spéciaux, ou dans les quartiers d’hiver de Sarasota jusqu’en 1958, date de leur fermeture, puis à Tampa, toujours en Floride, où se déroule une partie de la préparation des spectacles.
Clown soliste dans un programme où tourbillonnent des charivaris multicolores de clowns quasiment anonymes de la Clown Alley, le « Master Clown » dispute la vedette aux étoiles magnifiées ou carrément fabriquées par la firme comme le ringmaster Fred Bradna, le dresseur Gunther Gebel Williams ou l’acrobate aérien Elvin Bale. Répartis sur les deux unités qui se partagent le territoire américain, les autres comiques solistes de la maison, du temps de Lou Jacobs, sont les tramps Emmett Kelly et Otto Griebling mais aussi Mark Anthony, Red Skelton et Felix Adler, dit Félix le Clown, dont le petit partenaire, un cochon, est aussi fameux que Knucklehead, le minuscule chien de Lou Jacobs qu’il affuble d’oreilles de lapin pour une irrésistible partie de chasse.
Le 23 avril 1989, ces six célébrités sont intronisées en même temps dans le prestigieux International Clown Hall of Fame de Delavan (Wisconsin).
 
Voir aussi :
- Ringling Bros. and Barnum & Bailey : la fin d’un monde.
 
Sources :
- Lou Jacobs sur le blog ouvert par Pat Cashin (1968-2016), acteur et clown diplômé du Clown College du cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey.
- Fred Bradna, The Big Top, New York, Simon & Schuster, 1952.
- Ernest Albrecht, From Barnum & Bailey to Feld, Jefferson (Caroline du Nord), Mac Farland, 2014.
- Pierre-Robert Lévy, Les Clowns et la Tradition clownesque, Sorvilier (CH), éditions de la Gardine, 1991, p. 223.