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Un conte populaire
allemand revivifié par les frères Grimm
Le mot Märchen est en
allemand le diminutif du terme ancien Mar qui signifie la
tradition, la nouvelle, l’information ou le bruit qui circule et qui
passe. C’est une rumeur, le récit d’un événement plus ou moins
remarquable qui se met en boule, et roule de village en village, de bouche
à oreille. Le Märchen n’est pas une forme figée, mais une
forme mobile. Il est le résultat du travail de la narration, d’un
remaniement profond, inconscient, de ce qui a eu lieu et qui, au départ,
peut être quelque chose d’infime.
Le Märchen est différent de ce que la tradition issue du XVIIIe
siècle nomme "conte de fées", d’abord parce que la fée n’y
figure pas comme telle, alors qu’on y rencontre des figures de vieilles
femmes qui tiennent de la sorcière, de la Parque, de l’accoucheuse.
Mais surtout le Märchen, revivifié et rédigé par les Grimm, n’a
pas, a priori, d’intentions moralisantes ou rassurantes. Il peut s’achever
en "queue de poisson" et revêtir des formes proches du Witz,
ce trait d’esprit, cette pure "façon de dire" qui se veut
seulement rapide et éblouissante. C’est le cas, par exemple, de L’Ondine
de l’Etang ou de La Clef d’or. Comme le conte en
général, le Märchen met en scène un héros au nom commun, à la
psychologie sommaire, dont les aventures sont comme suspendues en dehors
du temps et de l’espace. Le conte décrit souvent un
"passage", une traversée (la forêt symbolisant souvent le lieu
de l’indétermination, de la coexistence des contraires, de la
rencontre, de tous les possibles). A la fin, celui qui est mal parti
finit par accéder à un état nouveau de maturité, de puissance ou de
richesse. Mais certains contes valent avant tout par la force de leurs
images.
Avec les Grimm et leurs contemporains romantiques, le regard porté sur
les contes change radicalement. Dans une optique très particulière, ils
puisent allègrement dans tout ce qui peut leur parvenir des siècles
précédents — aussi bien Perrault que
Basile ou Musaeus, ou Les
Mille et une Nuits, tout en faisant appel au savoir et aux souvenirs
de leurs amis comme des vieilles conteuses. D’après les Grimm qui les
"pensent", les contes ont chacun leur justification en
eux-mêmes. Wilhem Grimm écrit : "Il n’est peut-être qu’une
petite goutte de rosée, retenue au creux d’une feuille, mais cette
goutte étincelle des feux de la première aurore."
D’une gangue impure, ils veulent extraire des fragments authentiques et
remonter jusqu’à la langue pure des origines. Et peu importe si les
"fournisseurs" des contes de Grimm ne sont pas toujours issus du
peuple, loin s’en faut : ils contribuent malgré tout à faire
circuler et émerger le vieux fond cosmopolite des récits anciens.
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