Dessins sur le motif et de mémoire : réalité et transposition


Les dessins sur le vif



Dessiner en voyageant est une activité courante à l'époque, et demeure un travail essentiel pour bon nombre d'artistes. Cette pratique allie observation, imagination et peut servir d'"adjuvant" de la mémoire.
Victor Hugo prend l'habitude de tenir un carnet dès 1821. Ses dessins de voyage accompagnent aussi lettres, manuscrits et notes.

  • Consultez l'audiovisuel Victor Hugo et les voyages. À la fin du film, consultez les images du film, notamment quelques dessins qui retiennent l'attention.

    En observant les dessins et en consultant les notices, retrouvez les différents lieux de voyages ; observez les titres, localisations et datations de ces dessins :

    - "Voyage du 16 juin au 19 juillet" (1836, carnet)
    - "Souvenir d'un burg des Vosges" (Guernesey, 1857)
    - carnet, 1863
    - carnet, 1864-1865 en Belgique et sur les bords du Rhin
    - "Lucerne. Ce que je vois de ma fenêtre" (1839)
    - "Écrit sur la vitre d'une fenêtre flamande"

    Ces dessins parmi les centaines qu'il fit en voyage ou au retour, parfois longtemps après, en se souvenant des lieux visités, alimentent et fixent à la fois, ses visions.
    Voici ce qu'il écrivit dans une lettre lors de son voyage sur le Rhin :
    "Ce n'étaient autour de moi, à perte de vue, que (…) vagues verdures, molles brumes, lueurs humides qui chatoyaient comme des yeux entrouverts, vifs reflets d'or noyés dans le bleu des lointains, (…) horizons moirés d'ombres et de clartés.- C'étaient de ces lieux où l'on croit voir faire la roue à ce paon magnifique qu'on appelle la nature." (Le Rhin, Lettre XX, De Lorch à Bingen.)

  • Voyez dans le dessin intitulé "Pasages, 4 août midi" la primauté de la vision en vue plongeante et la précision accordée pour traduire la luminosité de l'été et les contrastes que cette lumière engendre.

Souvenirs et transpositions

Nombre de dessins sont réalisés après un voyage, voire très longtemps après :
- "Souvenir des Vosges, burg de Hugo tête d'aigle" (1850)
- "Souvenir du Neckar" (1849, réalisé 9 ans plus tard)
  • À partir de 1840 et du voyage sur le Rhin, "le dessin accuse ce glissement du réel au contemplatif" (Jacqueline Lafargue, in Victor Hugo, dessins et lavis). Observez ce phénomène en regardant ces trois dessins :

    - Album de voyage au bord du Rhin, 1840
    - Le Rhin
    - Projet de frontispice pour le Rhin

  • Observez le dessin intitulé "Souvenir d'Espagne". Quel détail vous permet d'identifier ce pays ? Peut-on cependant parler de dessin pittoresque ?

  • Dessiner permet souvent à V.Hugo de capter une vision pour entrer en correspondance avec une "rêverie intérieure", comme il le souligne lui-même :
    "Je marchais dans la montagne sans trop savoir où j'étais ; peu à peu le paysage extérieur, que je regardais vaguement, avait développé en moi cet autre paysage intérieur que nous nommons la rêverie ; j'avais l'œil tourné et ouvert au-dessus de moi, et je ne voyais plus la nature, je voyais mon esprit" (Voyage dans les Pyrénées).

    Ce dolmen a inspiré l'écriture du début du poème "Ce que dit la bouche d'ombre" (Les Contemplations, VI, 26). Découvrez-le et constatez la puissance évocatoire de cet édifice pour Hugo.


Bâtiments et architecture
  • L'architecture s'impose comme un thème majeur dans les dessins de Victor Hugo :
    Observez ces dessins
    - Voyage du 22 au 26 juillet
    - Voyage du 5 au 31 août
    - "Souvenir de l'étang du bois de Bellevue. 1845"
    - "Souvenir de Chelles. 1845"
    - Beffroi de Mons
    - Carnet, septembre 1869

    Quels sont les points de vue que vous jugez privilégiés ici ?
    Observez les rapports entre les édifices et le paysage environnant.
    Comment les sujets sont-ils traités : en silhouettes ou détaillés ? Repérez-vous des points de focalisation ?
    Parmi ces dessins, deux ont pu être un point d'ancrage à l'écriture dans de célèbres romans : "Souvenir de Chelles" (1845) et "Le donjon de Provins" (1835) ; au sujet de ce dernier, Hugo écrivait à Adèle le 28 juillet : "J'ai dessiné le donjon que je te montrerai. Je l'ai visité. Il me servira beaucoup" (in Correspondance, I). Essayez d'identifier de quels romans il s'agit.

  • Observez ces trois dessins :
    - "Beffroi de Mons" (vers 1864)
    - "Le phare d 'Eddy stone" (vers 1866)
    - "Portique"

    Peut-on parler de dessins d'architecture ? Victor Hugo vise-t-il la reconstitution des édifices, notamment dans le "Portique" ?
    Recherchez des dessins de Gustave Doré, Viollet-le-Duc et comparez.

  • Ainsi la vision s'inscrit-elle, non seulement en silhouette, mais aussi dans le travail très détaillé de certains éléments constitutifs de l'édifice. Ils peuvent être alors l'élément déclencheur pour la réalisation de l'ensemble du dessin.

    - "Salière- fontaine" 1850
    - "La fontaine aux serpents à Hauteville house" (1857)

  • Hugo admirait Piranèse, le considérant comme un architecte visionnaire. Cherchez la série d'œuvres gravées intitulée : "Les Prisons" (Carceri).
    Repérez parmi les dessins ceux qui pourraient s'en rapprocher, et notamment ceux-ci :

    - "Hic clavis alias porta" (vers 1850)
    - "Portique"

    Au delà de la parenté d'inspiration, repérez les multiples techniques employées : plume, pinceau, encre brune, lavis, lavis d'encre noire, crayon de graphite, crayon gras, fusain, rehauts de gouache blanche, zones frottées, réserves sur papier beige ; voyez aussi les armoiries et le blason.

  • Burgs, châteaux et ruines sont un motif privilégié, décliné tout au long de sa vie.
    Peut-on parler de vision romantique, allégorique, voire fantastique avec ces dessins ?

    - "Malines - 19 août - midi"
    - Lettre de Victor Hugo à sa femme
    - "Château dans les arbres" (vers 1847)
    - Vieux Guernesey
    - Burg "des-cris-la-nuit"
    - "Souvenir de Normandie"
    - Burg entouré de maisons
    - "Souvenir de l'abbaye d'Orval"
    - Une chapelle de Guernesey

    Expliquez ce qu'est la personnification ; au regard de l'ensemble de ces dessins et à la lecture de cet extrait de poème, construisez votre interprétation.

    "Moi qu'on nomme le poète,
    Je suis dans la nuit muette
    L'escalier mystérieux ;
    Je suis l'escalier des Ténèbres ;
    Dans mes spirales
    funèbres
    L'ombre ouvre ses vagues yeux.
    (…)
    Laissez la clef et le pène,
    Je suis l'escalier ; la peine
    Médite ; l'heure viendra ;
    Quelqu'un qu'entourent les ombres
    Montera les marches sombres
    Et quelqu'un les descendra."

  • À votre tour, représentez un édifice de votre choix dans lequel vous vous reconnaîtrez, pour évoquer un sentiment particulier. Vous écrirez le nom de ce sentiment dans une calligraphie appropriée qui s'insèrera dans votre dessin, avec des techniques s'inspirant de celles de V.Hugo (lavis, pochoirs, rehauts de gouache blanche, etc.).