Les Chemins de la liberté (1945-1949)
  En juillet 1938, Sartre termine L'Enfance d'un chef et décide, après la publication de La Nausée, de commencer un nouveau roman, qui serait une suite. Il s'en explique comme toujours à Simone de Beauvoir : "J'ai trouvé d'un coup le sujet de mon roman, ses proportions et son titre. Juste comme vous le souhaitiez : le sujet, c'est la liberté."
Les lettres à Simone de Beauvoir et ses réponses permettent, avec les Carnets de la drôle de guerre, de suivre l'écriture de L'Âge de raison, premier volume des Chemins de la liberté, dont l'action se situe autour du 13 juin 1938 et qui est achevé "à la veille de l'été 1941" (La Force de l'âge, p. 554). Écrit entre 1943 et 1944, Le Sursis couvre seulement la semaine du vendredi 23 au vendredi 30 septembre 1938.
  
 
   
Alors que dans La Nausée il avait fait abstraction de tout le contexte politique (montée du nazisme, Front populaire, guerre d'Espagne), l'Histoire est intégrée dans ce cycle romanesque, comme Sartre l'explique dans le texte de prière d'insérer pour leur publication conjointe, en 1945 : "Mon propos est d'écrire un roman sur la liberté. J'ai voulu retracer le chemin qu'ont suivi quelques personnes et quelques groupes sociaux entre 1938 et 1944 [.]. En ce roman qui comprendra trois volumes, je n'ai pas cru devoir user partout de la même technique." Si dans le premier volume il a donné priorité aux individus, dans le second, il en va tout autrement : "L'individu, sans cesser d'être une monade, se sent engagé dans une partie qui le dépasse [.]. Pour rendre compte de l'ambiguïté de cette condition, j'ai dû avoir recours au "grand écran". On retrouvera dans Le Sursis tous les personnages de L'Âge de raison mais perdus, circonvenus par une foule d'autres gens [.]. J'ai tenté de tirer profit des recherches techniques qu'ont faites certains romanciers de la simultanéité tels Dos Passos et Virginia Woolf. J'ai repris la question au point même où ils l'avaient laissée et j'ai essayé de retrouver du neuf dans cette voie. Le lecteur dira si j'ai réussi."
Le cycle des Chemins de la liberté s'achève après la publication du tome III ; il n'y aura pas de tome IV. Il faudra attendre L'Idiot de la famille pour que Sartre retrouve la veine du romancier à travers une biographie. Entre-temps, la politique l'a rattrapé, puis, après la biographie "existentielle" de Jean Genet, il s'est intéressé à son autobiographie.