Le prince mécène
    


Dans le monde iranien, la tradition voulait qu’un prince fût lettré et collectionneur de livres. Le roi a auprès de lui un bibliothécaire (ketâbdâr en persan) qui a la charge d’administrer son atelier-bibliothèque.

La bibliothèque d'un prince lettré

Cette bibliothèque se compose en principe de copies anciennes, généralement un certain nombre de somptueux manuscrits enluminés ou d’exemplaires à peintures que le souverain tient de ses ancêtres, ou des princes qu’il a vaincus. Il s’agit parfois de coûteuses acquisitions. Le prince se doit de posséder des copies du Coran, des grands classiques de la poésie persane (parmi lesquels outre le Livre des Rois de Ferdowsi se trouvant les Cinq Trésors de Nezâmî et bien d’autres textes), des grands ouvrages historiques et des chroniques, des traités scientifiques et des textes mystiques ou moraux. Il possède souvent plusieurs exemplaires enluminés du même texte, peints à différentes époques ou dans différents styles. Le bibliothécaire a par ailleurs la charge de faire réaliser par des artistes employés dans l’atelier-bibliothèque – calligraphes, relieurs, enlumineurs ou doreur, et peintres – de nouvelles copies de ces textes qui soient dans le goût du temps, c’est-à-dire dans le style qu’affectionne le souverain, ou de faire des répliques de manuscrits célèbres capables de rivaliser avec ces grands modèles.

La mort de Majnuông La mort de Majnuông
  La mort de Majnuông

La bibliothèque princière sert de référence et de modèle.

Le mécénat d’un sultan passionné de beaux livres – comme ce fut le cas au XVe siècle à Hérât sous les Timourides, prédécesseurs des Safavides jusqu’à la prise de la ville en 1506 par les Uzbeks – a un rayonnement considérable : tous les grands veulent avoir leur bibliothèque, on commande de beaux manuscrits et on échange les exemplaires de luxe à l’occasion de cadeaux officiels.

Toghril Châh fait venir Nezâmî Toghril Châh fait venir Nezâmî
  Toghril Châh fait venir Nezâmî

Paradoxalement, Châh ‘Abbâs, bien que né et élevé dans l’ancienne capitale timouride de Hérât, où des ateliers continuaient à fonctionner, n’était pas lui-même un collectionneur acharné de manuscrits. Amateur de calligraphie, de tableaux isolés ou de peintures murales, il aimait les miniatures séparées que l’on pouvait ensuite réunir en albums.

Aussi est-il probable que le commanditaire du manuscrit ne soit pas le souverain de Perse mais le gouverneur de la province de Nasâ, Mohebb Ali Soltân.


  © Bibliothèque nationale de France