Zola et la question sociale
"Hâtez-vous d'être justes"

   

"Prenez garde, regardez sous terre, voyez ces misérables qui travaillent et qui souffrent. Il est peut-être temps encore d'éviter les catastrophes finales. Mais hâtez-vous d'être justes, autrement, voilà le péril : la terre s'ouvrira et les nations s'engloutiront dans un des plus effroyables bouleversements de l'Histoire."

Émile Zola, L'Œuvre, dossier préparatoire
 
  Faire entendre "la grande voix du peuple qui a faim de justice et de pain" est un des objectifs majeurs de Zola, qui consacre plusieurs de ses romans au peuple : celui des petits artisans, commerçants et ouvriers de la ville avec L'Assommoir ou Le Ventre de Paris, des mineurs grévistes du Nord de la France avec Germinal, ou encore celui des paysans avec La Terre.
Sa description, d'un réalisme violent, dur et parfois cruel, vise à choquer le public et à provoquer le scandale. Car loin d'idéaliser la classe ouvrière, d'en faire comme Hugo ou Michelet un mythe romanesque, Zola dénonce "la misère, les déchéances fatales du milieu" et cherche, en signalant "les plaies" et en "éclairant violemment des souffrances et des vices" à faire "œuvre utile" car "si le peuple était si parfait, si divin , pourquoi vouloir améliorer sa destinée ? Non, il est en bas, dans l'ignorance et dans la boue, et c'est de là qu'on doit travailler à le tirer" (lettre à Georges Montorgueil, 1885). La question sociale pour Zola se cristallise autour d'une lutte entre exploiteurs et exploités, entre capital et travail qui se traduit plus largement en un combat épique entre "gras et maigres". Le spectre d'une révolution sanglante où le peuple "lâché, débridé, ruissellerait du sang des bourgeois, promènerait des têtes et sèmerait l'or des coffres éventrés, […] balayant le vieux monde, sous leur poussée débordante de barbares" (Germinal) doit inciter à réagir pour éviter la catastrophe.
S'il se fait le pourfendeur des injustices criantes engendrées par la modernité, Zola n'en est pas moins fasciné par le progrès, dont il est un farouche partisan. Confiant en l'avenir, il rêve à une société future plus juste et plus fraternelle, réconciliée par le travail, "l'unique loi du monde, le régulateur qui mène la matière à sa fin inconnue !". C'est ainsi qu'il propose dans son roman Travail un modèle utopique de "Cité de justice et de vérité", fondée sur l'association du travail, du capital et du talent et gérée selon les principes du phalanstère de Fourier. À "l'avril révolutionnaire" annoncé par Germinal, véritable "envolée de la société caduque dans le printemps" (lettre à V. S. Kolff,1889), répond quinze ans plus tard, la Crêcherie, société idéale concourant "à la victoire définitive de demain". (Travail)


Les documents :
Émile Zola, Travail, manuucrit autographe
Maximilien Luce, Fonderie à Charleroi
Steinlein, Les Gueules noires
Émile Lévy, Germinal, affiche pour le théatre
Jules Chéret, La Terre, affiche