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Première
nuit chez Lantier La torpeur Entre Coupeau et Lantier Gervaise perd la main Dégoût du travail |
Maintenant,
Gervaise se moquait de tout. Elle avait un geste vague de la main pour envoyer
coucher le monde. À chaque nouvel ennui, elle s'enfonçait dans le seul plaisir
de faire ses trois repas par jour. La boutique aurait pu crouler ;
pourvu qu'elle ne fût pas dessous, elle s'en serait allée volontiers, sans
une chemise. Et la boutique croulait, pas tout d'un coup, mais un peu matin
et soir. Une à une, les pratiques se fâchaient et portaient leur linge ailleurs.
M. Madinier, Mlle Remanjou, les Boche eux-mêmes, étaient retournés chez
Mme Fauconnier, où ils trouvaient plus d'exactitude. On finit par se lasser
de réclamer une paire de bas pendant trois semaines et de remettre des chemises
avec les taches de graisse de l’autre dimanche. Gervaise, sans perdre un
coup de dents, leur criait bon voyage, les arrangeait d'une propre manière,
en se disant joliment contente de ne plus avoir à fouiller dans leur infection.
Ah bien ! tout le quartier pouvait la lâcher, ça la débarrasserait
d'un beau tas d'ordures ; puis, ce serait toujours de l'ouvrage de
moins. En attendant, elle gardait seulement les mauvaises paies, les rouleuses,
les femmes comme Mme Gaudron, dont pas une blanchisseuse de la rue Neuve
ne voulait laver le linge, tant il puait. La boutique était perdue, elle
avait dû renvoyer sa dernière ouvrière, Mme Putois ; elle restait seule
avec son apprentie, ce louchon d'Augustine, qui bêtissait en grandissant ;
et encore, à elles deux, elles n'avaient pas toujours de l'ouvrage, elles
traînaient leur derrière sur les tabourets durant des après-midi entiers.
Enfin, un plongeon complet. Ca sentait la ruine. Émile Zola, L'Assommoir, chapitre IX. |