Fées et sorcières, 
magiciens et enchanteurs
    "On donna pour marraines à la petite princesse toutes les fées qu’on put trouver dans le pays (il s’en trouva sept) afin que chacune d’elle lui faisant un don, comme c’était la coutume des fées en ce temps-là, la princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables."

Charles Perrault, La Belle au Bois dormant

Au sommet de la hiérarchie des personnages merveilleux, la fée donne son nom au genre littéraire qui se développe en Europe à partir du XVIIe siècle. Attesté depuis le XIIIe siècle, le terme latin fata est employé couramment pour désigner les Parques romaines ou les Moires grecques, divinités de l’enfer, maîtresses du destin humain.
    

Les fileuses du destin humain
Collectée par les Frères Grimm à l’aube du XIXe siècle, la tradition allemande décrit à peine les fées, se contentant de mettre en valeur leur fonction d’accoucheuses comme le souligne le sens premier du mot "sage-femme" employé par les deux célèbres philologues. "Vieilles comme les pierres", leurs pouvoirs sont ambigus et on doute de leur bienveillance jusqu’au dénouement final. 
  
C’est le cas de la vieille Gardeuse d’oies à la fontaine, qui jette des sorts à ceux qui lui porte assistance ; mais c’est pour mieux permettre à la fille du roi qu’elle protège d’accéder à la maturité. A la fois sorcière et fée, comme pour mieux "rappeler la nécessité des coutumes rituelles par quoi les grands événements de la vie prennent un sens." (introduction des Contes de Grimm par Marthe Robert), garantes du respect des rites, elles les transmettent aux enfants un peu comme ces conteuses auxquelles elles peuvent être facilement assimilées
  

  

Les fées de lumière des contes littéraires
"Dame si belle qu’elle ressemblait au soleil. Son habit était tout brodé de paillettes d’or et de barres d’argent".
Le merveilleux se charge d’accessoires avec Perrault ou Mme d’Aulnoy. Ce merveilleux transparaît dans les tenues vestimentaires des fées, chargées de "paillettes", rubis et saphirs ainsi que dans l’éternelle baguette dont elles ne sauraient se séparer. Leurs moyens de locomotion ou les lieux qu’elles investissent sont aussi marqués par l’intervention du surnaturel. Assises dans une coquille de perle (La Chatte blanche), tirées par des coqs d’Inde (Le Nain Jaune), chevauchant des nuages, des globes de feu, ou de somptueux équipages, elles se rendent d’un lieu à un autre "à la vitesse de l’éclair" ou "plus vite que l’air".

  

    

Magiciens et enchanteurs
Peu de personnages masculins parmi ces gardiennes du temps et de la mémoire : il semble que jeter des sorts, transmettre un rituel ou initier au passage d’un âge à un autre soit plutôt le fait de personnages féminins. Mais les princes ont parfois besoin d’un parrain et il existe quelques magiciens et enchanteurs dont la fonction est souvent de combattre ou de déjouer les pouvoirs de leurs consœurs. Ainsi "l’ami enchanteur du Roi Charmant" qui combat la puissance maléfique de la fée Soussio en aidant le roi, métamorphosé en Oiseau bleu à recouvrer son aspect d’origine ainsi que l’amour de la belle Florine.
Cependant, fées et magiciens peuvent être maléfiques, à l’instar des sorcières, comme la Fée du désert ou l’Enchanteur de la forêt des Lilas qui maintient Bonne-Biche et Beau-Minon sous sa coupe.

   

La sorcière, double maléfique de la sage-femme
De la sage-femme à la sorcière il n’y a qu’un pas aisément franchi dans les contes allemands : ainsi la sorcière qui invite Hänsel et Gretel leur apparaît-elle au premier abord comme une charmante grand-mère qui leur offre "du lait et de l’omelette au sucre, des pommes et des noix" dans sa maison de pain d’épices. Mais ce n’est qu’une ruse pour attirer les enfants et les manger. Car la sorcière est aussi un peu ogresse. Ce qui est aussi le cas de Baba-Yaga, la grand-mère sorcière des contes russes populaires, qui vit dans la forêt et "croque les gens comme des poulets" :
"Sa maison d’ossements était faite, des crânes avec des yeux ornaient le faîte, pour montants de portails des tibias humains, pour loquets ferrures des bras avec des mains et en guise de cadenas verrouillant la porte, une bouche avec des dents prêtes à mordre. […] Baba-Yaga monta dans son équipage et fila bon train. Dans son mortier elle voyage, du pilon l’encourage, du balai efface sa trace." (Vassilissa-la-très-belle). Avec son mortier et son pilon lui servant à broyer les destinées humaines tout en effaçant les traces de son passage parmi les hommes, Baba-Yaga est donc bien une fileuse de destinées, une initiatrice qui offre à Vassilissa le moyen de se défaire de sa marâtre : un crâne aux yeux ardents qui consument la méchanceté.

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