anthologie
jeux de princes

PÉTRONE

v.14 - v.66
Satiricon 26/27

 
Agamemnon vint rompre nos perplexités : «Hé quoi nous dit-il, alors vous ne savez pas chez qui la chose a lieu ? Mais c'  est chez Trimalcion, un homme tout à fait chic; il a une horloge dans sa salle à manger, et un sonneur de cor engagé tout exprès, pour savoir à toute heure quelle portion il a perdue de sa vie. »
 
À ces mots, oubliant tous nos malheurs, nous faisons soigneusement notre toilette, et donnons l'ordre à Giton, qui fort gentiment tenait son rôle d'esclave, de nous accompagner au bain.
 
Cependant, sans nous déshabiller, nous commençâmes à déambuler... ou plutôt à muser, et à nous mêler aux groupes, quand soudain nous voyons un vieillard chauve, vêtu d'une tunique aurore, et qui jouait à la balle parmi de jeunes esclaves aux longs cheveux. 
Du reste, nos regards allaient moins aux esclaves – ils en valaient ,pourtant la peine – qu'à leur maître lui-même, qui, chaussé de pantoufles, s'entraînait avec des balles vertes. Et jamais il ne reprenait celle qui avait touché terre ; un esclave en avait un sac plein, et pourvoyait les joueurs. D'autres nouveautés nous frappèrent encore. Deux eunuques se tenaient à chaque bout du jeu, l'un portant un pot de chambre d'argent, l'autre comptant les halles, et non pas celles qui dans les passes du jeu rebondissaient de main en main, mais celles qui tombaient par terre. Nous étions en admiration devant ces élégances, quand accourt Ménélas : « Voici, nous dit-il, chez qui vous vous attablez ; et, pour dire le vrai, vous assistez déjà au prélude du dîner. »
 
Ménélas n'avait pas fini sa phrase, quand Trimalcion claqua des doigts, auquel signal l'eunuque lui tendit le vase sans qu'il cessât de jouer. Celui-ci, sa vessie une fois soulagée, demanda de l'eau pour les mains, et après s'être trempé le bout des doigts, il les essuya à la tête d'un esclave.