Jeux d'esprit par lesquels nous célébrions les Saturnales à
Athènes. Enigmes et sophismes récréatifs.
Nous célébrions les Saturnales à Athènes avec gaieté et modestie; je ne dirai pas pour reposer notre esprit, car, selon Musonius, reposer l'esprit, c'est le déposer; mais pour lui donner une aimable distraction par des amusements aussi honnêtes qu'agréables. La même table réunissait un certain nombre de Romains venus en Grèce pour y entendre les mêmes leçons et suivre les mêmes maîtres. Celui qui donnait le repas à son tour déposait sur la table un livre grec ou latin d'un vieil auteur, et une couronne de laurier, pour être donnés en prix ; il posait autant de questions qu'il y avait de convives, et le sort distribuait aux convives leurs places et leurs questions. La question était-elle résolue, on recevait le livre et la couronne ; elle ne l'était pas, elle passait d'un convive à l'autre, à la ronde. Si personne ne trouvait le noeud de la question, le prix était dédié au dieu de la fête. Les questions soumises roulaient sur une pensée d'un vieux poète, enveloppée, sans être inintelligible, d'une spirituelle obscurité ; sur un point de l'histoire de l'ancien temps, sur une opinion philosophique bizarrement énoncée , sur une subtilité sophistique à résoudre, sur un mot rare et ambigu à expliquer, ou même sur un temps difficile d'un verbe connu. Il y a peu de temps, on soumit quelques questions dont je me souviens.
– La première, sur certains vers d'Ennius, dans ses Satires, où la répétition d'un même mot embrouille élégamment l'idée. En voici un exemple :
« Celui qui médite une ingénieuse tromperie se trompe en disant qu'il trompe celui qu'il se propose de tromper ; car, si l'on apprend qu'on s'est trompé en voulant tromper, c'est le trompeur qui « est trompé, si l'autre ne l'est pas. »
– La seconde question était : « Comment faut-il entendre le passage de Platon, dans sa République, où il veut que les femmes soient communes, et donne, pour prix au courage et au mérite militaire, le baiser des jeunes garçons et des jeunes filles ? »
– La troisième était « Dans ce raisonnement : Vous avez ce que vous n'avez pas perdu ; or, vous n'avez pas perdu des cornes, donc vous avez des cornes ; où est le sophisme ? par quelle distinction peut-on le résoudre ?