Chronologie
par Bernard Marbot

Chêne dépouillé de sa parure. Quinet.

Le nom de la forêt n'est pas précisé lorsqu'il s'agit de la forêt de Fontainebleau. Les faits concernant la photographie et les photographes ressortent en italiques.
Convention : SFP = Société française de photographie

1760
Dessin de Lantara, timide précurseur des peintres de la forêt, gravé par Claris : "Environs de Fontainebleau".


1764
Première gravure directement inspirée par la forêt : eau-forte de Boissieu.

1791
Salon : "Vue prise dans la forêt de Fontainebleau", tableau de Bruandet (devancier du groupe de Barbizon).

1804
Parution d'Oberman (devenu Obermann dans les éditions qui suivent), roman de Sénancour inspiré par son séjour dans la forêt pendant l'été 1801, livre peu connu jusqu'à sa 2e éd. en 1833 avec une préface de Sainte-Beuve et, plus encore, sa rééd. en 1840 avec une préface de Sand ; ensuite les réimpressions se succèdent (jugement de l'auteur sur la forêt : "Cette terre-là est peu de chose en général").

1805
Parution de La Forêt de Fontainebleau, poème de Castel sur les "frais et rians déserts". Parution de Paris et ses monuments, dont le tome 2, en tête du texte d' Amaury-Duval consacré à "Fontainebleau", contient une eau-forte de Baltard inspirée par la forêt.

1807
Publication de la Description physique de la forêt de Fontainebleau, étude de la géologie, de la faune et de la flore par Paillet qui conseille aux artistes d'exercer leur talent dans la forêt.

1820
Recueil de dessins lithographiques de Parmentier donnant les premiers dessins de sites à l'intérieur de la forêt.

1822
Corot commence à fréquenter la forêt.
 

Eboulis de roches. Briquet.
Cour de ferme. Famin.
 

1823
Découverte au Long Rocher (et sensationnelle exposition à Paris) d'un bloc pris pour un fossile humain d'où s'ensuit une controverse à laquelle Cuvier met fin en voyant dans la roche un caprice de la nature (Luchet affirmera en 1849 que c'était l'ébauche abandonnée d'un bas-relief équestre commandé par François 1er).

1824
Année supposée de la découverte fortuite de Barbizon par les peintres Aligny, Ledieu, accompagnés de Jacob Petit, futur propriétaire de la manufacture de porcelaine de Fontainebleau ; séduits par l'endroit et par la proximité de la forêt, ils vont attirer l'attention des artistes sur ce lieu (ce n'était alors qu'un modeste hameau de Chailly-en-Bière avant qu'une loi de 1903 en fasse une commune). Début de la renommée des Ganne dont l'humble ferme agrandie devient vers 1836 l'auberge actuelle ; Luniot, leur gendre par son mariage avec leur fille aînée Victoire, en aura la succession à la mort de son beau-père en 1861. Premier Salon présentant plusieurs sites bellifontains (six études) : leur nombre ira en augmentant jusqu'à la fin des années 1850 (sur ce thème, Aligny exposera en 1833, 1852, Corot en 1831, 1833, 1846, Daubigny en 1844, Diaz en 1837, 1844, 1847, Huet en 1850, Rousseau en 1850, Troyon en 1844, 1845, 1846, 1848, 1849) ; vive impression des paysages envoyés par les artistes anglais (en particulier Bonington, Constable) sur plusieurs peintres français tentés par le paysage pur.

1827
Aligny, locataire d'une maison à Barbizon ; découverte de la forêt par Rousseau.

1829
Planches de Tirpenne pour les "Environs de Paris". L'exploitation du grès de la forêt atteint son plus haut niveau : les carriers façonnent deux millions neuf cent mille pavés.
Blocs de grès enchevêtrés au milieu des sables. Cuvelier.
1834
Parution de Fontainebleau ou notice historique et descriptive sur cette résidence royale, guide de Jamin contenant un chapitre sur la forêt "si remarquable par ses sites variés et ses masses extraordinaires de rochers".

1835
Parution de Souvenirs, témoignage de Bulgari, ancien élève de David : cinq pages sur son arrivée à Chailly en juillet 1821, son entrée dans la forêt et les moments partagés avec les paysagistes qui y travaillaient, les mœurs à l'auberge qui préfigurent la vie des rapins chez Ganne.
 

Platière d'Arbonne. Cuvelier.   1836
Chateaubriand publie de médiocres vers de 1788 sur la forêt dans l'Almanach des Muses, un an après l'avoir visitée en compagnie de Durand, le menuisier-poète. Parution de La Forêt de Fontainebleau, poème en quatre chants, alexandrins de Durand inspirés par ses escapades solitaires et dominicales dans le massif depuis 1821. Parution de La Confession d'un enfant du siècle écrit par Musset en 1834 où l'on trouve le récit d'une escapade dans la forêt avec Sand pendant le séjour à Fontainebleau du 5 au 13 août 1833 ; ces courses romantiques lui ont inspiré aussi le poème Souvenir en 1841. Diaz commence à fréquenter Barbizon.

1837
Parution de Quatre promenades dans la forêt de Fontainebleau par Jamin (un premier guide pour le public : généralités, flore et faune, promenades de Franchard, de la Mare aux Evées, de la Gorge aux Loups, quatre autres itinéraires de Fontainebleau à Franchard, visite de villages environnants). Bléry commence dans la forêt une œuvre d'aquafortiste qui le conduira à travailler sur le motif.
 
Aspect automnal d'une futaie mal venue. Famin.   1838
Parution des Mémoires d'un touriste, ouvrage de Stendhal qui se souvenant de ses chasses à Fontainebleau en 1802 et 1811 note à la date fictive du 10 avril 1837 que la forêt est fort belle en ses futaies, insignifiante en ses rochers.

1839
Divulgation publique de l'invention de la photographie (la daguerréotypie). Au Salon vingt-trois peintures inspirées par la forêt. Parution d'une brochure de Denecourt, la première d'une longue suite de guides ou d'indicateurs, de cartes et de promenades qui populariseront le massif forestier.

1840
Publication posthume de l'ouvrage de Castellan Fontainebleau, études pittoresques et historiques sur ce château illustré de 85 eaux-fortes parmi lesquelles 15 sites de la forêt (suite commencée en 1828). Edition par Denecourt de lithographies rassemblées en albums sous le titre Souvenirs de Fontainebleau ou Souvenirs pittoresques, activité poursuivie par la suite (ces vues dont les artistes attitrés seront Parmentier et Walter servaient aussi à l'illustration de ses guides).

1842
Arrivée de la ligne ferroviaire Paris-Orléans à Corbeil (et diligence jusqu'à Fontainebleau mise ainsi à la portée de Paris par un moyen plus rapide et régulier que les voitures publiques ou que le coche d'eau qui s'arrêtait à Valvins).

1843
Premiers passages de Daubigny et de Troyon à Barbizon.

1846
Baudelaire dans le Salon de 1846 exécute le paysage historique et présente l'école du paysage moderne.

1847
Divulgation en France du procédé sur papier amélioré par Blanquart-Evrard (calotypie). Au Salon trente et une œuvres inspirées par la forêt.

1848
Rousseau s'installe définitivement à Barbizon (il y mourra).

1849
Arrivée de la ligne ferroviaire Paris-Lyon à Fontainebleau d'où une affluence de badauds parisiens les dimanches et jours fériés ce qui "est un profond sujet de tristesse pour les artistes du voisinage" (Pigeory). Jacque et Millet s'installent à Barbizon (Millet y mourra). L'auberge Ganne compte 40 peintres parmi ses clients d'après Pigeory. Etablissement à Barbizon de Bodmer (il y mourra). Arrivée présumée de Le Gray dans la forêt.

1850
Janin, le 19 août, dans son feuilleton du Journal des débats supplie qu'on sauve de la prochaine cognée les arbres de "ce merveilleux bas Bréau, l'honneur de la forêt et la fortune du père Cane [sic], lorsque s'ouvre aux artistes de septembre sa maison hospitalière de Barbizon !"
Sous-bois au Bas-Bréau. Le Gray.
1851
Parution de Quatre promenades historiques et pittoresques dans la forêt de Fontainebleau (indicateur) par Durand (plus d'historiettes que de descriptions). Passage à Barbizon de Tillot (inscrit du 27 au 30 octobre dans le registre de l'auberge Ganne en qualité d'artiste vivant à Rouen).

1852
Début de la vulgarisation du procédé au collodion humide révélé l'année d'avant par l'Anglais Archer : publication à Paris du traité de Brébisson en décrivant la méthode. Au Salon dix-huit œuvres inspirées par la forêt. Retour présumé de Le Gray dans la forêt.
  
Forêt de Fontainebleau. John B. Greene.   1853
Albert de la Fizelière publie "Les Auberges illustrées" dans L'Illustration du 24 décembre : texte et illustrations ironiques (dix-sept) sur le "Parnasse des peintres vulgairement appelé la forêt de Fontainebleau" et "la plus étonnante galerie de tableaux modernes" qu'est devenue l'auberge Ganne. Parution de Fontainebleau et ses environs (Cuides-cicerone) par Frédéric Bernard, pseudonyme de Pelloquet, qui prend place dans la Bibliothèque des chemins de fer éditée par Hachette (critique voilée des guides Denecourt ; cinq gravures sur bois consacrées à la forêt ; évocation de l'auberge Ganne). Incitée par Rousseau et les artistes de Barbizon, l'Inspection des forêts envisage la création d'une zone forestière protégée. Inauguration du Fort de l'Empereur, belvédère commencé par Denecourt en 1851 sur le rocher Cassepot (relevé en 1878, nommé en 1882 Tour Denecourt et plusieurs fois restauré). Greene à l'œuvre dans la forêt.
Forêt de Fontainebleau. John B. Greene.
1854
Pigeory visite l'auberge Ganne en mai et publie "Barbison, notes et souvenirs" en août dans la Revue des beaux-arts, 15e livraison (Denecourt y est appelé le Pausanias de Fontainebleau). Parution d'Adeline Protat, roman de Murger (il vit souvent à MarIotte qu'il a découvert en 1850) : allusion à l'auberge Ganne et description du plateau de la Mare aux Fées. Marville à l'œuvre dans la forêt.

1855
Fortom publie "Béranger à Fontainebleau" dans Le Droit du 28 décembre : relation d'une conversation récente avec le poète menée à travers les futaies et les chaos. Louviot à l'œuvre dans la forêt. Vue de Le Gray montrée à Paris (exposition de la SFP).
 
Arbres et roches moussues. Cuvelier.   1856
Eugène Cuvelier à Barbizon (inscrit le 15 septembre en qualité d'"artiste" dans le registre de l'auberge Ganne qui garde également la trace d'un séjour du 15 au 30 septembre 1857 et d'une arrivée le juillet 1858). Vue de Le Gray montrée à Bruxelles (exposition de l'Association pour l'encouragement et le développement des arts industriels en Belgique).

1857
Louviot à l'œuvre dans la forêt. Vues de Delondre montrées à Bruxelles (exposition de l'Association pour l'encouragement et le développement des arts industriels en Belgique).

1858
Parution de L'Insecte, œuvre de Michelet dont l'introduction écrite à Fontainebleau en 1857 contient les impressions retirées par l'auteur de ses promenades dans la forêt.

1859
Parution d'Elle et Lui écrit en 1858 par Sand : la forêt n'y est pas nommée, cependant c'est bien la promenade de 1833 avec Musset qui y est évoquée. Parution de la Correspondance de Béranger par Boiteau : "Elle est bien belle et bien silencieuse, ma forêt" s'exclame le poète, retiré à Fontainebleau en 1835 et 1836 (dans le deuxième tome retranscription de l'article de Fortoul paru en 1855). Mariage à Barbiwn, le mars, de Cuvelier avec Louise Ganne. Vues de Gaillard, de Le Gray, de Louviot montrées à Paris (exposition de la SFP).

1860
Habitué de la forêt (séjours à Chailly, puis installation à Fontainebleau), le peintre Decamps s'y tue en tombant de cheval lors d'une chasse ; présent aux obsèques, Gautier consacre à l'enterrement une feuille dans Le Moniteur et veut bien s'y apercevoir que la forêt existe.
 
    1861
La Commission d'aménagement de la forêt remet un rapport dans lequel elle propose d'épargner les futaies et les sites les plus pittoresques pour les artistes et les promeneurs ; répondant à ce vœu, un décret du 13 avril crée la Série artistique (1100 hectares mis hors exploitation). Cuvelier à l'œuvre dans les environs de la forêt : vues du château de Fleury. Vues de Delondre, de Gaillard et de Jeanrenaud montrées à Paris (exposition de la SFP).

1862
Cuvelier à l'œuvre dans la forêt et les environs : Barbizon, Belle-Croix, Franchard, Macherins. Vues de Gaillard montrées à Paris (exposition de la SFP).
  
Arbres et roches sous la neige. Cuvelier.  
Pavé de Chailly. Cuvelier. Verdure. Cuvelier.
  
1864

Vues de Cuvelier et de Gaillard montrées à Paris (exposition de la SFP).

1865
Monet à Chailly au cours de l'été (il y était venu en 1863 avec Bazille, Renoir et Sisley) : il fait poser ses amis, en particulier Bazille, pour "Le Déjeuner sur l'herbe".

1867
Parution de Manette-Salomon, roman des Goncourt écrit de décembre 1864 à août 1865 et pour lequel ils avaient séjourné à Barbizon en 1865 (connu d'eux par une visite en 1850, un séjour en 1861 ; ils avaient pénétré dans la forêt en 1852 à partir de Marlotte) : on y trouve des descriptions de l'auberge Ganne et de la forêt. Parution de Vie et opinions de Thomas Graindorge par Taine qui avait séjourné à Barbizon en juin (et s'était déjà promené dans la forêt en 1863) : le chapitre XIX campe les artistes de Barbizon et décrit cette forêt dans laquelle il n 'y a rien "qui ne fasse plaisir". Vues de Cuvelier montrées à Paris (exposition universelle).

1868
Construction de l'aqueduc de la Vanne à travers la forêt.

1869
Publication de L'Education sentimentale, roman où Flaubert se souvient des amours de Sand et de Musset lorsqu'il imagine l'escapade de son héros Frédéric avec Rosanette dans la forêt, alors qu'on se bat dans le Paris de 1848 ; lui-même en 1868 avait visité les sites qu'il décrit. Vues de Cuvelier et de Harrison montrées à Paris (exposition de la SFP).
  
Près de la mare à Dagneau, le chêne. Harrison   1870
La forêt devient domaine de l'Etat par le décret du 6 septembre (Bien de la Couronne jusqu'alors sauf de 1793 à 1804 et de 1848 à 1852) Vues de Cuvelier, de Delondre, de Harrison et de Tillot montrées à Paris (exposition de la SFP).

1872
Constitution d'un comité de protection artistique demandant l'assimilation du massif aux monuments nationaux et historiques.

1873
Parution d'Impressions et souvenirs de Sand où deux séjours dans le massif sont évoqués (notamment celui de 1837) et la forêt défendue (chapitre XX appuyant la résolution du comité formé l'année précédente ). Vues de Cuvelier montrées à Arras (exposition artistique, agricole et industrielle). Vues de Harrison montrées à Vienne (exposition universelle).
 
Nénuphars. Quinet.   1874
Séjour à Barbizon de Langerock (inscrit en qualité de peintre dans le registre de l'auberge Ganne pour la période du 26 au 30 juin). Vues de Harrison fils, de Quinet, de Tillot montrées à Paris (exposition de la SFP).
   
Mare. Quinet. Ajoncs et roseaux. Quinet.
 
1876
Vues de Quinet montrées à Paris (exposition de la SFP).

1877
Balagny réalise une série de clichés sur verre au collodion sec dans laquelle figure l'arbre "le Rageur".

1878
Vues de Harrison montrées à Paris (exposition universelle internationale).

1879
La forêt très éprouvée par le verglas des 22, 23 et 24 janvier. Sauvager à l'œuvre dans la forêt.

1883
Séjour de Delié à Barbizon (inscrit en qualité de photographe dans le registre de l'auberge Ganne pour la période du 21 au 25 septembre).

1884
Balagny à l'œuvre en mai dans la forêt avec des clichés sur papier ciré au gélatino-bromure. Vues de Balagny montrées à Paris (exposition de l'Union centrale des arts décoratifs).