La photographie entre art et industrie
par Sylvie Aubenas

Autoportrait, Gustave Le Gray
Portrait-charge de Gustave Le Gray, Henry de Montault
 

L'histoire des débuts de la photographie est aussi et surtout celle de ses progrès techniques. Niépce, Daguerre, Poitevin, Niépce de Saint-Victor, Blanquart-Évrard et, dans une moindre mesure, Talbot et Bayard sont avant tout des inventeurs.
Les études actuelles, autant que les prédilections des collectionneurs, tendent à séparer la technique et l'esthétique, créant une frontière artificielle entre l'œuvre et son processus d'élaboration. La lecture des revues de photographie et des comptes rendus d'exposition des années 1850 montre assez combien cette partition peut être anachronique.

Les recherches de Le Gray se déroulent surtout entre 1845 et 1854. Cette féconde décennie de sa jeunesse est celle de la plus grande effervescence photographique en France et en Angleterre, portée par un courant d'intérêt unanime. Les plus grands savants, François Arago, Edmond Becquerel, Antoine Balard, Sir John Herschel, Victor Regnault, se penchent sur les travaux des photographes, les encouragent et les guident. Les réunions de la Société héliographique puis de la Société française de photographie sont le foyer d'une passion partagée.
La virtuosité de Le Gray n'alla pas sans agacer certains de ses émules : si La Lumière et le Bulletin de la Société française de photographie lui sont tout acquis, les revues de vulgarisation scientifique Le Cosmos et Le Propagateur sont beaucoup moins amènes. Il y est accusé de ne publier que des formules inapplicables pour mieux garder le secret de ses tours de main, de décrire ses opérations en termes trop désinvoltes, trop peu scientifiques, et d'obliger ainsi les amateurs à lui payer des leçons. C'est le reflet d'une rivalité plus générale entre La Lumière, qui envisage volontiers la photographie dans ses rapports avec les beaux-arts, et Le Cosmos qui la tire toujours du côté du progrès scientifique. Le Gray est l'incarnation du photographe "artiste" honoré par les uns et tourné en dérision par les autres. Ces escarmouches se développèrent de 1852 à 1854.

Les années 1855-1860 sont très propices pour les photographes. La mode bat son plein. L'installation de Gustave Le Gray boulevard des Capucines est saluée dans le journal L'Illustration par un reportage enthousiaste : "Depuis que la photographie est devenue un art, les établissements consacrés aux opérations ont dû nécessairement se transformer. Au laboratoire a succédé l'atelier, l'atelier est bientôt devenu salon, et même, comme chez M. Le Gray, un cabinet de haute curiosité, avec antichambre richement ornée."

 1850 : le négatif sur verre au collodion
 1851 : le négatif sur papier ciré sec
 1855-1860 : grandeur et chute de la photographie
 La photographie entre art et industrie