Le visage en question, par Anne Biroleau
   
"La ressemblance n’est pas un moyen d’imiter la vie, mais plutôt de la rendre inaccessible, de l’établir dans un double fixe, qui, lui, échappe à la vie."
Maurice Blanchot

  
    Portraits/Visages

L’invention de la photographie n’a pas entraîné la disparition de l’art du portrait peint. Cet art ne s’est pas non plus déversé tel quel dans la pratique de photographes à la recherche de solutions techniques ou plastiques. "Daguerréotype : remplacera la peinture". Flaubert ironisait sur les idées reçues… L’art du portrait photographique s’est affranchi peu à peu du modèle pictural, inventant et affinant son propre vocabulaire et influençant à son tour le genre dont il s’était détaché.
De l'absence de représentation du visage dans l'art préhistorique, qui étonnait tant Georges Bataille, à la réduction à une trace anonyme de la "figure" avec sa charge de froideur géométrique, en passant par l'ostentation et l'autosatisfaction du portrait en gloire, l’histoire et l’esthétique du portrait évoluent. L'individu en germe dans la pensée des Lumières se matérialise devant l’objectif de Bertillon et la représentation de l’homme mène à ce visage menacé par le nihilisme, exploré jusqu’à l'usure. En témoignent la confrontation parfois violente des œuvres elles-mêmes et la réflexion esthétique menée à leur propos au cours du temps.
  

   
      
Il faut examiner quelques exemples de l’histoire du portrait et de la théorie esthétique dont il fit l’objet pour entrevoir par quels moyens la photographie a pris le relais d'un genre pictural qui s’exténuait, l'a quelque temps imité, avant de former son propre vocabulaire.
A la recherche de la nature de la photographie, certains artistes suivent une voie étroite et rêche. Leur travail trouve sa substance dans le pessimisme, explore les recoins les plus sombres de leur art afin d’y découvrir un visage.