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De la fable
animalière de Benjamin Rabier au
récit anthropomorphique de Régis
Franc, la bande dessinée européenne est peuplée danimaux réels ou fictifs.
Tantôt partenaire du héros, tantôt héros lui-même, lanimal traverse tous les
genres de la BD : le western avec le chien Ran Tan Plan (Morris et Goscinny), le policier avec
linspecteur palmipède Canardo (Sokal), lhumour avec le Marsupilami (Franquin). Compagnon de
lenfance, lanimal peut se faire le porte-parole dune certaine
morale : le canard Gédéon se libère de sa condition de palmipède en
prônant les vertus du bien auprès de ses congénères de basse-cour. La bande dessinée
animalière va progressivement glisser vers lanthropomorphisme : par exemple,
en 1952, Calvo entraîne le jeune
lecteur dans un univers magique où le chat Moustache et Trottinette la souris
shabillent pour voyager dans le temps. Pas à pas, la société animale
sorganise : Raymond
Macherot illustre très bien cette transition avec Chlorophylle et Minimum. Dans
cette série ambitieuse pour enfants, le créateur nhésite pas à aborder des
sujets difficiles comme le coup dÉtat et la torture. Satire malicieuse de la
société humaine, les aventures de ces deux rongeurs seront détournées vers un public
plus adulte avec Chaminou et le Khrompire. Aujourdhui encore, le genre animalier sadresse autant aux enfants quaux adultes. Au royaume des animaux Lours Rupert (Mary Tourtel), Lapinot (Lewis Trondheim), le corbeau André (Jean-Claude Denis), presque toutes les espèces danimaux sont représentées dans la bande dessinée. Lié à un type de comportement, lanimal représente selon Marten Toonder, un " archétype universel " : le rat induit une connotation négative (Anthracite chez Macherot ou Kebra Tramber et Jano) alors que la vache est plutôt rassurante (Pi 3,1416 chez Johan de Moor). Pour élaborer un inventaire de cette vaste ménagerie, un apprenti zoologiste pourrait cerner les particularités physiques de son sujet dobservation et distinguer deux types de comportement identifié : les " calmes " et les " agités ". Lanimal comme héros, na pas nécessairement besoin de bénéficier dun pedigree formellement établi. Il est libre ! De la fable à la satire Comme dans les histoires pour enfants et les fables, lanimal dans la BD trouve un espace dexpression privilégié. Bête, il ne lest quen apparence : la Coccinelle commente les cases (Gotlib), le Corbac aux baskets se fait psychanalyser (Fred). La BD animalière relève autant de la fable que de la satire. La Bête est morte (Calvo) transpose pour la jeunesse la deuxième guerre mondiale : les lapins français appellent à leur secours les bisons américains contre les loups belliqueux. Ici, les méchants sont vaincus, la morale est sauve. Alors que chez Raymond Macherot, les gentils lérots combattent Anthracite sans en venir à bout. |
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Espèces en voie dexposition |
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1920
: lours Rupert, vêtu dun uniforme décolier, anime les premiers
illustrés anglais pour enfants (Mary Tourtel). 1941 : le petit chat blanc néerlandais Tom Poes partage ses aventures avec lours Monsieur Bommel (Marten Toonder). 1944 : La Bête est morte (Calvo) relate " la guerre mondiale chez les animaux ". 1951 : à bord de son bateau, lours danois Petzi parcourt le monde avec ses amis Ricky le pélican et Pingo le pingouin (Vilhem Hansen). 1955 : revenus de Coquefredouille, les deux lérots Chlorophylle et Minimum décident de vêtir les " petits animaux, moins gâtés par la nature " (Raymond Macherot). 1960 : le Marsupilami fait son nid dans la forêt de Palombie (Franquin). 1964 : Gai-Luron, chien flegmatique, joue à la bataille navale avec le renard Jujube et la caniche Belle-Lurette (Gotlib). 1969 : La Jungle en folie abrite le tigre végétarien Joe, lhippopotame psychiatre Potame et le serpent Mortimer (Mic Delinx et Christian Godard). 1976 : le Baron noir, un vautour, enlève des moutons gardés par des rhinocéros policiers (Yves Got et René Pétillon). 1983 : Ovidie la rate règne sur Pacush, une tribu de rongeurs féroces (Ptiluc). 1993 : Fred conte lHistoire du corbac aux baskets. |