Combien de fois, expliquant devant mon père le quatrième livre de L'Énéide, n'ai-je pas senti ma poitrine se gonfler, ma voix s'altérer et se briser ! | |
Mémoires, chap. II |
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Berlioz découvre Virgile avec son père
qui a pris complètement en charge l'enseignement de son fils, après
la fermeture du séminaire de La Côte-Saint-André où
Hector était pensionnaire. Il étudie et traduit L'Énéide.
La lecture du poème, et tout particulièrement de la mort de
Didon, déclenche ce qu'il appelle sa "première secousse poétique" :
"le poète latin, en me parlant de passions épiques que je
pressentais, sut le premier trouver le chemin de mon cœur et enflammer mon
imagination naissante" (Mémoires, ch. II). Il est bouleversé
par la passion de Didon pour Énée, qui éveille en lui
l'écho de sa propre passion
pour Estelle. À compter de ce moment, la pensée du poète
va le poursuivre, tout comme le rêve de mettre son œuvre en musique.
La campagne romaine ressuscite le souvenir de L'Énéide :
"improvisant alors un étrange récitatif sur une harmonie plus
étrange encore, je me chantais la mort de Pallas, le désespoir
du bon Évandre, le convoi du jeune guerrier qu'accompagnait son cheval
Éthon, sans harnais, la crinière pendante, et versant de grosses
larmes ; l'effroi du bon roi Latinus, le siège du Latium, dont
je foulais la terre, la triste fin d'Amata et la mort cruelle du noble fiancé
de Lavinie" (Mémoires, ch. XXXVII). |
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Il lui faudra attendre avant de passer à l'acte
et de se mettre à composer le grand opéra "traité dans
le système shakespearien", évoqué devant Liszt et la
princesse de Sayn-Wittgenstein, qui l'avaient vivement encouragé.
La princesse alla même jusqu'à le menacer de ne plus le voir
avant qu'il n'ait terminé. Ce qui fut fait en 1858. Durant les années
suivantes, Berlioz ne parvient qu'à donner des extraits des Troyens
en auditions privées. La seule salle pouvant convenir à cet
ouvrage de cinq heures était celle de l'Opéra de Paris, qui
n'en voulait pas. Le musicien sollicite même le soutien de Napoléon
III, mais l'empereur préfère Offenbach. Enfin, le Théâtre-Lyrique
l'accepte en 1863, à condition de le découper en deux parties
et de ne donner que la deuxième partie, les trois actes qui se déroulent
à Carthage, intitulée alors Les Troyens à Carthage.
Désespérant de voir jamais son œuvre montée, Berlioz
accepte, malgré les coupures qu'il est obligé de pratiquer
dans la partition et qui seront maintenues dans l'édition. La représentation
obtient un grand succès et sera suivie de vingt autres, ce qui, avec
l'édition, rapportera suffisamment d'argent à Berlioz pour
lui permettre d'arrêter ses activités de feuilletoniste. Les deux premiers actes, La Prise de Troie, ne seront joués qu'en 1879, dix ans après la mort de Berlioz. Il faudra attendre un siècle (1969) pour voir publiée la partition d'orchestre des Troyens, par les éditions Bärenreiter, et 1970 pour entendre le premier enregistrement intégral, sous la baguette de Colin Davis. |
L'histoire des Troyens
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Les Troyens sont une adaptation de L'Énéide,
qui raconte l'histoire de la fondation de Rome. Berlioz a conservé
l'esprit virgilien, mais il a introduit de nombreuses modifications :
ainsi Cassandre devient-elle le personnage principal des deux premiers actes,
qui se déroulent à Troie. Les Grecs ont abandonné le
siège de Troie et se sont retirés, ne laissant qu'un immense
cheval de bois. Le peuple se réjouit et personne, pas même
son fiancé Chorèbe, ne veut entendre les prédictions
catastrophiques de Cassandre. Les Troyens rendent grâce aux dieux
et, pour célébrer la déesse Athéna, ils traînent
en procession le cheval jusqu'à son temple, lui faisant franchir
les remparts de la ville, sourds aux avertissements de Cassandre. |
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Au deuxième acte, Hector apparaît à Énée :
il lui apprend que l'ennemi est là, entré par le cheval
de bois, et que Troie est en flammes. Il lui ordonne de s'enfuir pour
aller créer un nouvel empire en Italie. Bientôt Cassandre
annonce qu'Énée, après avoir sauvé le trésor
royal, est parti fonder une nouvelle Troie, puis elle se poignarde, imitée
par ses compagnes. > Extrait des Troyens
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Le manuscrit de la réduction pour chant et piano
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En juin 2015, la BnF a fait l’acquisition du manuscrit des Troyens, partition pour piano et chant, qui est venu prendre place aux côtés du manuscrit orchestral déjà conservé au département de la Musique de la BnF. Ce manuscrit, classé Trésor national, et considéré comme perdu depuis plus d’un siècle, est celui de la réduction pour chant et piano de l’opéra. Grâce à Société Générale, mécène principal de cette acquisition, ce manuscrit en grande partie autographe vient compléter la plus importante collection au monde consacrée à Berlioz. |
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Toute sa vie, Hector Berlioz avait rêvé de cet opéra des Troyens qu’il élabore entre 1856 et 1858 en cinq actes grandioses, puisant aux sources de Virgile et de Shakespeare, de Gluck et de Spontini. Il s’attelle aussitôt à la réduction pour chant et piano, qu’il achève en 1859. Véritable chaînon manquant dans l’histoire des Troyens, ce manuscrit révèle la version la plus complète de l’opéra connue à ce jour puisqu’elle contient des scènes qui furent supprimées par la suite de la version orchestrale et même des passages inédits. Le final et l’épilogue de cette partition pour piano et chant furent notamment écourtés sur les instances des directeurs de théâtre et de l’éditeur Choudens. L’étude de ces scènes encore inconnues permettra de découvrir précisément l’œuvre originale et pourra contribuer à en donner une version convaincante lors de futures représentations de l’opéra. Le manuscrit comprend quatre des cinq actes de la pièce, le deuxième ayant disparu dans des circonstances inconnues : 596 pages écrites sur des cahiers à musique largement annotées essentiellement par Berlioz lui-même et peut-être aussi, fait rarissime, par son amie et interprète, la célèbre mezzo-soprano Pauline Viardot. Berlioz met en œuvre dans les Troyens un art consommé de l’instrumentation, dont il a renouvelé la pratique en profondeur. Sa conception novatrice et unificatrice de l’orchestration rend particulièrement intéressante l’étude de ces réductions pour piano, qui en sont la traduction.
> Un Trésor national entre à la BnF > La place de l'opéra Les Troyens dans l'œuvre d'Hector Berlioz
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