Pistes d'analyse

 

Ce choix d’extraits souligne une dimension essentielle du roman : l’indétermination et l’extrême mobilité des êtres et des choses accentuées par les variations de focalisation. Ce n’est pas un hasard si les contours ici ne cessent de se dissoudre : la mer, toile de fond et personnage de l’histoire, met sa fluidité insaisissable au service de Hugo et rythme la quête de Gilliatt.
Les textes sont accompagnés de pistes d’analyse qui peuvent devenir points de départ d’études plus approfondies, s’appuyant quand l’extrait s’y prête sur les dessins réalisés par l’écrivain.

 

 

Instabilité des choses

   


  • La maison visionnée : l’enfer en bord de mer
    Pistes d’analyse : dans ce texte, la maison est vue par trois enfants qui la croient hantée, ces trois regards servent le jeu de la narration qui oscille entre frayeur et curiosité. Le rôle prépondérant de l’ombre et de la lumière y est évoqué et reflète cette dualité récurrente dans l’écriture de Hugo. Quelques pages auparavant, avant qu’elle ne devienne le décor de cette scène nocturne, la maison est décrite : l’analyse croisée de l’extrait "La maison visionnée" et du dessin donne des indices sur le rôle que l’écrivain lui réserve.
    Notions abordées : focalisation, champ lexical de l’ombre et de la lumière, personnification, progression de l’angoisse, intérêt futur pour l’histoire (le stratagème de Clubin qui envisage la maison comme un refuge après sa fuite).
  • La rue Coutanchez à Saint-Malo : visages de pierre
    Pistes d’analyse : la mise en relation du texte et du dessin intitulé "Vieux St Malo" souligne la personnification et la diabolisation des lieux : ici, les maisons se font sorcières. Le lexique devient malléable et les catégories se disloquent puisque non seulement les maisons s’animent, mais en plus elles complotent.
    Notions abordées : description, animation, personnification.

  • Le défilé des Douvres : des roches assassines
    Pistes d’analyse : les couleurs sont primordiales dans cet extrait, en particulier le rouge qui est à rapprocher du champ lexical de la violence, du meurtre et de l’horreur. Les adjectifs sont nombreux mais l’expression de la comparaison est volontairement incertaine (verbes, mode et temps) : cet écart délibéré permet à l’imagination de s’épanouir. Ce texte peut être mis en parallèle avec le dessin "Les Douvres" et avec "Le palais de la Mort".
    Notions abordées : comparaison et métaphore, hyperbole, personnification.

  • La mer, la nuit : le feu dans l’eau
    Pistes d’analyse : le texte se construit sur l’union des contraires, l’eau et le feu. La confusion est renforcée par l’obscurité et par le regard surpris d’un personnage qui s’éveille. Les couleurs, les sensations, le contraste entre l’ombre et la lumière se déclinent sur le mode du contraste : les oxymores abondent.
    Notions abordées : image et métaphore, description, oxymore, paradoxe et contraste
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Incertitude des êtres

   


  • Portrait de Clubin : l’hypocrisie révélée
    Pistes d’analyse : Clubin est défini comme un être double, "dans une peau d’homme de bien avec un cœur de bandit". Cette description traverse le masque et le révèle après trente ans de dissimulation : la gradation de la noirceur le transporte de l’hypocrisie à l’hypocrite. "Le spectre de Clubin" dessiné par Hugo partage avec le texte ce côté sombre.
    Notions abordées : aphorisme, métaphore, allégorie, oxymore, paradoxe.
  • Portrait de Gilliatt : fuite de l’humain, émergence de l’humanité
    Pistes d’analyse : le sauvetage de la Durande par Gilliatt prend la forme d’une quête initiatique aux frontières de l’humain. Rien ne lui est épargné : déshumanisation, effacement de l’homme derrière la machine, hostilité de l’environnement, perfidie de l’altérité, solitude. Graphiquement, Hugo choisit le clair-obscur pour représenter Gilliatt.
    Notions abordées : image, métaphore, aphorisme, déshumanisation.
  • Mort d’un héros : l’œil de Gilliatt
    Pistes d’analyse : la fin du roman coïncide avec la disparition de Gilliatt, ici symbolisé par un œil qui n’a plus rien d’humain. À ce point ultime se retrouvent l’omniprésence des oiseaux, la douceur inquiétante de la mer, l’ombre. La narration parallèle entre la fuite du bateau emportant Déruchette et le suicide programmé de Gilliatt établit très clairement une relation de cause à effet – Gilliatt renonce à la vie car l’amour de Déruchette ne l’y rattache plus. La dernière lueur qui anime son regard n’exclut pas cependant un changement de référent, du terrestre au céleste : "La Mouette passant dans l’ombre" prend alors toute sa mesure.
    Notions abordées : champ lexical du regard, synecdoque, personnification, narration parallèle.