l'exposition
carl de Keyzer
Trinity

Parcours de l’exposition


 

Tableaux politiques
Prises de vues : 2003-2007

Trois séries de 10 photographies en couleur (50 x 76 cm) illustrent les sessions parlementaires de trois grandes puissances : États-Unis d’Amérique, Chine et Europe et brossent trois portraits contrastés des parlements et de la vie politique au XXIe siècle.
Ces 30 images tiennent entre elles un discours évident sur le rôle et les méthodes de la représentation politique des démocraties. Les travaux du Sénat américain n’ont posé de toute évidence aucun problème d’accès au photographe. Les débats des diverses commissions sont montrés en plans rapprochés, le photographe se meut parmi les orateurs et les auditeurs, dans un décor solennel, où l’on perçoit cependant la présence obsédante des caméras de surveillance ou des équipes de télévision. Les photographies sont alors proches du modèle cité ; la grammaire esthétique du tableau politique traditionnel y est clairement réinterprétée.
La série consacrée aux deux parlements européens, Bruxelles et Strasbourg, nous dévoile au contraire des lieux d’une modernité exemplaire et aseptisée, où des personnages pittoresques ou anonymes se déplacent sans intention évidente.
La série consacrée au Parlement chinois montre les sessions plénières auxquelles participent quelque trois mille députés, munis d’un discours imprimé également lu en chaire et diffusé hors de la salle sur de multiples écrans. Un personnage d’huissier si interchangeable qu’il en devient obsédant, se tient au garde à vous dans la plupart des images.
Se montrent alors à l’évidence, certes des conceptions différentes de la politique, mais surtout l’omniprésence des caméras, des écrans, des téléphones mobiles et un souci généralisé de la communication et du spectacle.
 
 
Carl De Keyzer :
« [Ces clichés] sont inspirés par les peintures représentant les rencontres officielles, les portraits de politiciens, de gouvernants dans leurs bureaux ou leurs palais. Washington, Bruxelles, Pékin, sont les équivalents modernes d’Athènes et Rome, deux capitales de superpouvoirs. Ce sont les nouveaux centres de la diffusion de la démocratie.
Fondamentalement, on peut dire qu’une grande partie des décisions qui engagent l’avenir du monde sont prises dans ces villes. L’aire de travail de ce pouvoir énorme est largement inférieure à celle des villes elles-mêmes, si on en limite les frontières à Capitol Hill et au Parlement Européen.
Des gens, le plus souvent pratiquement inconnus et invisibles, y prennent des décisions qui affectent la vie de millions d’individus. Le sujet de ce volet de Trinity est par conséquent nourri des réunions, conférences, audiences de ces politiciens dans leurs bureaux ou leurs salles de presse. »

 

Tableaux de Guerre
Prises de vues effectuées entre 2001 et 2007

Les 22 photographies panoramiques (38 x 117 cm) du chapitre consacré à la guerre sont présentées dans la partie centrale de la galerie. Leur succession esquisse un panorama géopolitique éloquent. Ainsi, si la guerre n’atteint plus les puissances dominantes sur leurs propres aires, elle n’en demeure pas moins permanente aux marches des empires. D’autant plus cruelle qu’elle atteint le plus souvent les populations les moins aptes à se défendre. L’agencement des différents tableaux de guerre ne donne certes pas à penser que tous les conflits sont équivalents. Les mêmes effets se révèlent cependant : villages ou lieux de culte brûlés, réfugiés en quête d’une source d’eau potable, alignement de cercueils destinés à la sépulture des corps extraits des charniers…
Dans cette série, cependant, la veine pathétique ou voyeuriste, habile à susciter un choc compassionnel, est soigneusement évitée. Par leur format imposant ces photographies aboutissent à un paradoxe. Elles demandent une contemplation, une lecture attentive, ne permettent aucunement une vision instantanée et rapide. Se révèlent alors tous les signes perceptibles, parce que nous possédons déjà une connaissance, des effets de la guerre, nous avons une éducation à l’iconographie du conflit armé.
Il s’ensuit un malaise devant le décalage entre des paysages agrestes et paisibles et les repères signalant les champs de mines ou les squelettes d’engins de guerre et d’avions abandonnés par les belligérants.
Ce battement dialectique entre notre propre savoir et la vision du photographe crée l’entre-deux nécessaire à une réflexion personnelle sur la question de la représentation de la guerre.
 

 
Carl De Keyzer :
« Ma passion pour le format panoramique, une forme très couramment usitée dans la peinture, date de 1978, époque à laquelle j’ai acquis mon premier appareil panoramique Widelux. Cette passion ne fit ensuite que s’accroître lorsque j’utilisai le Fuji panoramique pour les projets Homo Sovieticus (pour lequel je m’inspirai des grandes peintures « prolétaires » qui se trouvaient dans l’ex-Musée Lénine, près de la Place Rouge), ou East of Eden ou God Inc.
La combinaison du panoramique et de la guerre commença à se construire dans mon esprit quand j’eus l’occasion de voir les panoramas de guerre dans les musées de Moscou, Waterloo et Dunkerque. De grandes peintures d’une amplitude de 360°, des mises en scènes emplissant le musée entier y sont utilisées afin de rendre l’image plus spectaculaire pour les visiteurs. De même, des photographes de guerre du passé pratiquaient l’exercice sur le lieu du conflit lui-même, allant jusqu’à mettre en scène des batailles à l’aide de figurants et d’accessoires. Ils arrivaient des semaines après les combats alors que les cadavres des belligérants et des chevaux étaient déjà enterrés.
 

 
Tableaux de Guerre, met l’accent sur les lieux de conflit, les champs de bataille, les points stratégiques, dans un temps situé avant ou après les batailles. Le panoramique permet de saisir le processus de cicatrisation de ces lieux « blessés ». Confrontées à un arrière plan de destruction, au résultat d’un passé violent, les images offrent un contraste entre passé et présent. »

 

Tableaux d’Histoire
Prises de vues effectuées entre 1991 et 2002

22 photographies en couleur de grand format (90 x 112 cm) illustrent ce chapitre. Les « événements » auxquels s’attache le photographe participent manifestement, dans l’esprit de leurs organisateurs, d’une dynamique de communication intensive, imitée des procédés de la publicité. La volonté de représentation spectaculaire qui préside à leur organisation se trouve d’autant plus décalée et désamorcée que le photographe se place dans le même espace que les spectateurs anonymes. Il donne à voir la galaxie de pseudo-événements qui se produisent en dehors, derrière ou à côté de l’instant attendu. Nébuleuse de gestes sans signification particulière, tranchés par le scalpel du coup de flash, magnifiés par la composition, l’équilibre des valeurs, la majesté du format, ces coupures arbitraires acquièrent une importance égale à celle du « moment historique » dont elles sont la marge.
 
 
Carl De Keyzer :
« Les moments clés de l’histoire moderne sont choisis et traités à la manière dont un peintre l’aurait fait. Une ou deux grandes images, monumentales en fait, montrent l’événement et restituent sa place dans la durée au lieu de « rapporter », de raconter, une histoire. L’appareil photo est le plus souvent tourné vers le public, qui constitue la cible de l’opération de persuasion. Le théâtre officiel souvent limité, fermé, n’est pas ouvert à une interprétation personnelle. Les gens qui constituent le public d’un spectacle politique multimédia reflètent l’effet de cet effort de persuasion, présentent un aperçu surprenant et inattendu des effets du mécanisme mis en œuvre.
Le discours du pape au Vatican, le bal organisé par MTV pour le président Clinton, Fidel Castro assistant au 50e anniversaire de l’ONU constituent quelques-uns des exemples de cette série. »
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