Sartre et Nizan


L'arrivée de Paul Nizan en classe de cinquième inaugure une amitié qui va marquer la jeunesse de Sartre. Lorsqu'il revient de La Rochelle et retrouve Nizan au Lycée Henri-IV, ils sont si proches que leurs condisciples les surnomment "Nitre et Sarzan". Bien que leur amitié soit parfois assombrie par des divergences politiques, affublés de surnoms bretons, ils se rêvent en sur-hommes et découvrent ensemble la littérature et le monde. En 1924, les deux camarades intègrent l'École normale supérieure où ils font la connaissance de Raymond Aron. Dès 1927, Nizan s'inscrit au parti communiste pour rompre bruyamment en 1939, au moment du pacte germano-soviétique. Nizan sera tué à Dunkerque en 1940.
   
  Pour la mémoire de Nizan

À la Libération, Nizan est rayé par le PCF de la liste des Écrivains combattants et le bruit se répand qu'il était un traître à la solde du ministère de l'Intérieur. Sartre s'attache à réhabiliter sa mémoire. Il adresse une lettre de protestation au Comité national des écrivains signée par Camus, Queneau, Leiris, Aron, Breton, Simone de Beauvoir, Bost, Merleau-Ponty, Mauriac, Parain, Paulhan, Guéhenno et quelques autres. Il évoque la mort de son petit camarade au champ d'honneur : "On nous rappelle de temps en temps que Jacques Salomon, que Jean Prévost, que Vernet sont morts pour nous, et c'est fort bien. Mais sur le nom de Nizan, un des écrivains les plus doués de sa génération et qui a été tué en 1940 par les Allemands, on fait le silence." Publiée à l'origine dans Combat le 4 avril 1947, cette protestation sera reprise dans Les Temps modernes en juillet de la même année.
Sartre fera le portrait de l'ami disparu dans la préface à Aden Arabie, le premier livre de Paul Nizan, réédité en 1960, reprise dans Situations IV. Dans cet hommage, qui se veut également autoportrait et plaidoyer pour leur génération, perce une pointe de regret, celui de ne pas l'avoir toujours suivi dans ses choix.